« Voilà comment Freud formule sa question : pourquoi l’homme d’aujourd’hui se sent-il mal à l’aise en sa civilisation ? Il a pourtant atteint l’infini, étendu son esprit de manière incommensurable, et par ces découvertes techniques il est devenu – génial trait d’esprit – un « un dieu à prothèses ». Grâce à la membrane téléphonique, son oreille porte jusqu’aux plus lointains des continents, son œil […] voit jusqu’aux étoiles, sa parole bondit […] à des milliers de kilomètres en une seconde et de fugace elle est devenue indestructible […]. Pourquoi alors dans un tel triomphe de la collectivité n’existe-t-il chez les individus aucun véritable sentiment de victoire ou de joie, et même plutôt un malaise, un énigmatique désir de retour à la situation primitive de jadis ? » [1]
Ces mots sont ceux écrits par Stefan Zweig à la lecture de Malaise dans la civilisation de Sigmund Freud. Tous les deux ne sont pas seulement contemporains, ils sont aussi amis. Zweig, élogieux quant à la précaution du chercheur Freud, selon lui bien trop sérieux pour avancer une réponse simpliste face à la complexité de la question soulevée, y lit que l’individu paie sa maîtrise par une perte de liberté personnelle, et que chacune des très hautes conquêtes de l’existence se paie en renoncement. Il suffit, dit-il, de regarder les enfants qui, par leurs jeux emplis de joies de soldat et de cruauté occasionnelle, encore dénués d’entrave morale, témoignent clairement d’une tendance à l’agression, qui peut parfois persister dans un certain refus des exigences sociales qu’impose le fait de devenir civilisé. L’homme civilisé lui-même réalise parfois combien la civilisation a un prix, son malaise et ses symptômes en représentent la valeur, transformant parfois un sentiment occasionnel de lassitude en un positionnement tragique vis-à-vis du monde. Déjà Zweig écrit à l’époque : « nous sommes fatigués depuis longtemps des réconforteurs professionnels qui veulent rendre leur charge, ou la vie des autres, toujours plus bon marché et confortable » [2]. Aussi téméraire soit, selon lui, le diagnostic de Freud, il « a plus de poids que cent embellissements sucrés. »
L’actualité littéraire autant qu’audiovisuelle, en ce début d’année 2024, met la pensée de Zweig en exergue [3]. Loin de paraître dépassée, la parution de dix-sept de ses écrits et conférences, en traduction française inédite sous le titre Mélancolie de l’Europe [4], l’invite dans l’agenda politique des élections européennes, une lecture recommandée. Ce livre retrace le cheminement intellectuel, entre 1909 et 1941, de « ce vaste et généreux esprit européen dont notre époque a besoin », comme l’écrivait Romain Rolland dans une lettre qu’il lui adressait [5]. Si les étudiants doivent à Zweig le Projet Erasmus, son Appel à la patience, un appel contre les appels, est, en effet, d’une actualité saisissante quand s’y lit : « N’appâtons pas l’enthousiasme des jeunes avec cet aveuglement ; ils pourraient, demain ou dans cinq ans, affluer de nouveau avec leurs camarades sur les bancs de la Sorbonne ou dans ces chères rues du Quartier latin, préservons-les de tout zèle par trop fougueux (qui, déçu, pourrait se muer en haine), n’invitons qu’à une chose : à la patience. » [6] Il critiquait là la tendance des intellectuels à l’instinct grégaire, à se renforcer par la masse, par l’écho, et ne cessaient de multiplier les appels. Ajoutant que : « La peur furieuse, maladive, […] a produit un suivisme aussi pitoyable, aussi petit, aussi dénué de valeur intellectuelle, aussi dépourvu de valeur morale que l’est toute uniformité » [7], il s’est fait le chroniqueur d’une époque de fièvres et de menaces [8].
La Fièvre, c’est d’ailleurs le titre qu’a choisi Éric Benzekri, pour sa nouvelle création. Il l’a prélevé dans Le Monde d’hier de Zweig. « Jamais une série hexagonale n’aura battu si fort à l’unisson avec nos inquiétudes » [9], peut-on lire dans Télérama. En effet, le scénario semble saisir l’enchaînement qui peut mener au pire. Cela commence par une insulte dans le monde du football, puis les réseaux sociaux s’enflamment, la récupération politique est sans scrupule, « violence, racaille, racisme anti-blanc, Toubab, noir, blanc, race, racisé, les mots qui circulent […] appartiennent tous à un espace passionnel clairement identifié, celui de la bataille identitaire. Elle est omni-présente dans le champ politico-médiatique, pas la peine de gesticuler, on n’y échappera pas. C’est une pieuvre, une pieuvre dont les tentacules ramènent tout à elle » [10] et la France se déchire.
« Quelles stratégies synchronisées, déjà à l’œuvre dans notre présent, façonnent le chaos ? Comment un imaginaire collectif se fracture-t-il à coups d’algorithmes et de saillies populistes ? » [11] Ce sont les questions qui accompagnent le spectateur citoyen. Sous la plume de l’auteur viennois, la fièvre désignait l’embrasement nationaliste qui s’empare de l’Europe et la précipite, à l’été 1914, dans une boucherie qui va durer quatre ans, et détruire le monde qu’il a toujours connu avec ses promesses d’échanges fertiles par-delà les frontières. Comme un écho à l’auteur viennois, qui racontait l’Europe du début du siècle dernier, la plume d’Éric Benzekri raconte comment, dans le monde d’aujourd’hui, la démocratie semble bien fragile quand la majorité qui la commande est soumise à l’influence du flot d’informations qu’elle n’est plus en mesure de traiter par la raison, et donc aux meilleures techniques de communication. Samuelle Berger, le personnage principal, n’est pas sans nous rappeler Zweig, et sa mélancolie. Elle aussi analyse avec lucidité et précision l’époque bouleversée dans laquelle elle vit : « Mon travail c’est connaître la société […] et comment elle va évoluer. J’utilise des techniques projectives, des qualis dans le jargon, j’interroge des groupes-tests sur des questions ouvertes, ils ne savent pas ce que je cherche et c’est la condition pour que j’arrive à leur faire dire ce qu’ils pensent vraiment. Et de là, je vois les évolutions de la société française avant qu’elles éclatent au grand jour. […] La peur, elle envahit toute la société. Il y a une épidémie de peur. C’est ce que disent tous mes qualis. Les gens ont peur pour eux-mêmes et, pire que tout, ils ont peur les uns des autres. […] Pour une société, c’est Winter is coming. […] Vous voyez ce que fait une peur collective sur une foule rassemblée dans un stade ou dans une salle, un sauve-qui-peut incontrôlable ? Imaginez ça à l’échelle d’une société dominée par la peur, c’est… la fin du monde ». Le psy auquel elle s’adresse aurait fait l’économie de rassurer sa patiente s’il avait été orienté par le désir de l’analyste. C’est sans doute lui qu’il tente de rassurer quand il évoque l’historien qui a recensé les 182 annonces de fin du monde qui n’ont finalement pas eu lieu. La réponse de sa patiente est sans appel : « Il aurait mieux fait de se concentrer sur celles qui ont vraiment eu lieu. Les conquêtes mongoles : 50 millions de morts, 14-18 :18 millions, 39-45 : 60 millions, la guerre civile russe : 8 millions, la seconde guerre du Congo : 4 millions, et j’en passe… Ajoutez aux guerres la famine, les génocides, l’esclavage, autant de fins du monde, ça fait bien plus que 182… » Il admet, ajoutant qu’il lui est impossible d’attendre que le monde guérisse pour se guérir elle-même, personne ne pouvant porter ça sur ses seules épaules, seul. Le signal, quand ça fait trop pour elle, c’est une grande plaque de fer qui lui écrase la poitrine, surtout quand son entourage n’entend de ses analyses qu’un délire sur le versant paranoïaque. L’hospitalisation à sa demande traite alors ce qui de cette solitude subjective bascule dans un sentiment d’isolement extrême. Elle en ressort avec le diagnostic HPI, juste « une construction inventée par des gens qui fonctionnent d’une certaine manière pour mesurer l’intelligence à leur image », dira-t-elle à son fils quand il lui demandera de se faire tester lui aussi. Éric Benzekri a su prélever les enjeux que sont ces prédicats et ces mots-valises à l’œuvre dans le monde contemporain et qui, de fait, échappent à toute nomination signifiante, pourtant seule voie d’accès au sujet.
Au quali sur la cause potentielle d’un effondrement qui soit immédiat, c’est évident pour la majorité des panellistes, ce serait la grande panne internet. « Ah oui ça, ça fait peur », dit l’un, quand une autre ose se démarquer avec un « Je crois que ce qui m’angoisse le plus, c’est que je n’arrive plus à comprendre le monde dans lequel on vit. C’est comme si tout était devenu une grande déglingue ». Dite communicante de crise, Samuelle Berger semble davantage au service d’un discours subversif, s’engageant, non sans éthique, à contrer les effets nocifs et ruineux du monde de la communication où la fabrique de l’opinion est reine : une stand-uppeuse réac attise les luttes identitaires, le réel se dissout dans la spectacularisation de la politique en en créant un plus féroce encore, les institutions sont attaquées, le débat public se radicalise, s’extrêmise… Sam évoque, elle, la loi du désir, le moteur du désir, pour qu’une parole ne soit pas noyée dans le bruit médiatique ambiant. Et elle ne cède pas. Elle répète à qui veut bien entendre qu’il « arrive souvent qu’au bout d’un affrontement identitaire, il y ait la guerre civile », allant jusqu’à citer Zweig : « Peu à peu, il devint impossible d’échanger avec quiconque une parole raisonnable. Les plus pacifiques, les plus débonnaires étaient enivrés par les vapeurs de sang. Des amis que j’avais toujours connus comme des individualistes déterminés s’étaient transformés du jour au lendemain en patriotes fanatiques. Toutes les conversations se terminaient par de grossières accusations. Il ne restait dès lors qu’une chose à faire : se replier sur soi-même et se taire aussi longtemps que durerait la fièvre. » En guise de boussole, cette citation l’accompagne pour contrer les sirènes populistes, celles qui fragilisent la logique collective à coups de hashtags sur les réseaux sociaux, et pour endiguer la flambée de violence qui semble inexorable. La fièvre, à l’heure des réseaux sociaux, est d’autant plus contagieuse que la résonance médiatique est « surpuissante », une épidémie hors-contrôle. « L’espace passionnel identitaire c’est très facile d’y entrer beaucoup plus compliqué d’en sortir » [12], et la finesse d’Éric Benzékri se loge dans le choix des arguments qui touche le sujet moderne : « un peu comme un divorce, si vous voulez. Au début on se dit que ça va aller et puis, très vite, avec les avocats, les enjeux financiers, la garde des enfants, ça dégénère. La famille se déchire, les amis, les enfants, tout est emporté, une guerre civile en petit. »
Le foot représente, ici, comme un dérivatif au conflit social, « une invention de la civilisation pour substituer la violence réelle de la rue par la violence symbolique des tribunes, une théâtralisation du conflit armé, avec les mêmes mots : identité, adversaires, combat, bataille, sacrifice, couleur… » Qu’en sera-t-il des Jeux Olympiques en 2024 ? L’Eurovison n’est pas prometteuse. Au dico : « Je dis, donc je suis » [13] d’une époque à l’identité qui s’affirme, le personnage principal, incarne davantage ce qui renvoie à la dimension d’un réel qui fait l’identité impossible à définir, impossible à dire toute : « Mais je ne suis pas que juive. […] je suis une femme. […] je suis aussi française : j’ai ma carte d’identité, ma carte vitale, ma carte d’électeur. Quand j’étais petite, j’adorais le bal du 14 juillet, les feux d’artifice du 15 août, et puis je suis incollable en Brel, Brassens, Ferré. Et pourtant, je suis marocaine, enfin ma mère est un peu lituanienne par mon grand-père, parce que mon père, lui, il est né en 38 à Paris. […] Et si, je suis aussi hétérosexuelle, mais j’ai longtemps cru que non parce que mon père, qui était un peu réac, mais quand même de gauche, voulait un garçon, voilà… qu’il aurait appelé Samuel. Ben Outch ! Le loto m’a amenée moi, alors du coup, il m’a quand même appelée Samuel, mais avec « elle », ce qui ne veut absolument rien dire, du coup je me suis longtemps posé des questions sur ma sexualité, mon genre, donc je suis le fils/fille de mon père et la fille de ma mère qui est vraiment un emploi du temps à plein temps, je suis aussi la mère d’un petit Adam et… Je suis désolée. » La lucidité de Samuelle Berger en fait-elle un personnage mélancolique ? Si l’ombre plane, c’est celle d’un danger collectif et individuel animé par la peur et la fièvre de la rumeur d’un monde qu’elle écoute, entend et déchiffre. Saisissant l’articulation logique des discours et des événements qui s’enchaînent, c’est quand l’autre, à qui elle s’adresse, ne peut, ou ne veut rien en savoir de ce qui s’agite, qu’elle fait l’expérience d’une extrême solitude. Elle sait, comme Lacan, que « la jouissance, c’est le tonneau des Danaïbes, et qu’une fois qu’on y entre, on ne sait pas jusqu’où ça va. Ça commence à la chatouille et ça finit par la flambée à l’essence. Ça, c’est toujours la jouissance. » [14] Elle met son intelligence au service de la pulsion de vie afin que la jouissance puisse condescendre au désir.
Si le monde d’hier éclaire le monde d’aujourd’hui, l’outil numérique offre une caisse de résonance assourdissante au malaise contemporain. Dans son livre Schizophrénie numérique [15], Anne Alombert évoquait en 2023, la violence mimétique, le « business de la haine » et l’automisation de l’altérité, à l’œuvre sur les réseaux sociaux, in fine antisociaux. Elle a étudié comment la viralité des contenus engendre la rivalité des individus, la quantification des vues instituant des rapports de concurrence et de compétition qui poussent les utilisateurs à poster des contenus de plus en plus choquants. Les fonctionnalités techniques exacerbent le mimétisme, qui consiste à vouloir ce que l’autre possède, ou à aimer ce qu’il aime. Rappelons-nous cet éclairage de Lacan sur l’invidia : « l’envie est communément provoquée par la possession de biens qui ne seraient, à celui qui a envie, d’aucun usage, et dont il ne soupçonne même pas la véritable nature. Telle est la véritable envie. Elle fait pâlir le sujet devant quoi ? – devant, l’image d’une complétude qui se referme, et de ceci que le petit a, le a séparé à quoi il se suspend, peut être pour un autre la possession dont il se satisfait, la Befriedigung.[16] » Les suggestions automatiques de contenus se fondent sur cette idée que vous aimerez ce contenu parce que les autres l’ont aimé. C’est d’ailleurs cette théorie qui a convaincu l’entrepreneur Peter Thiel d’investir dans Facebook, après avoir fondé Paypal avec Elon Musk en 1998, avant de devenir le conseiller de Donald Trump en 2016. Anne Alombert précise que « la cohésion de la foule mimétique ne repose pas sur l’investissement dans un projet commun, mais sur la désignation d’un bouc émissaire qui attise l’indignation et l’hostilité collectives, au profit des business models [17]. Les quantités massives d’amis pourraient ainsi masquer un business de la haine, fondée sur des dynamiques sociales anthropiques, avec leur lot d’effets nocifs sur le plan psychique. » Elle énumère : la corrélation entre l’utilisation de Facebook et l’aggravation du taux d’anxiété et de dépression chez les étudiants, la nocivité d’Instagram pour l’image de soi des adolescentes selon les Facebook files, les calculs des algorithmes pour des applications comme Tinder, introduisant des biais dans les suggestions proposées, renforçant les stéréotypes, les rapports de domination, un fonctionnement de l’interface elle-même engendrant des effets de zapping et d’hyper sollicitation qui court-circuitent le processus d’idéalisation inhérent à toute rencontre amoureuse. La contingence de la rencontre est invitée à laisser place au choix rationnel entre plusieurs options, à l’acte de consommation. Ce n’est pas le rapport d’experts « Enfants et écrans, à la recherche du temps perdu » [18] remis au président de la République, qui le contredit. S’il souligne en préambule que l’outil numérique permet un accès plus aisé et plus égalitaire aux connaissances, la commission dit « avoir acquis la conviction qu’elle devait assumer un discours de vérité pour décrire la réalité de l’hyper connexion subie des enfants et des conséquences pour leur santé, leur développement – trouble du langage, de l’attention et du sommeil, risque de dépression, incitation à la violence…, pour leur avenir, pour notre avenir aussi… Celui de notre société, celui de notre civilisation, et peut-être même celui de notre humanité. » Elle se dit bousculée devant les stratégies de captation de l’attention des enfants développées par des plateformes recourant à des algorithmes conçus pour enfermer les enfants sur leurs écrans, les contrôler, les réengager. Si ce rapport émet une série de préconisations, reprises dans la proposition de loi soutenue par le gouvernement, notamment l’interdiction d’accès avant un certain âge, l’actualité révèle la non moindre gravité des enjeux de la fièvre numérique à l’âge adulte.
Si des manifestations étudiantes sont bien sous l’influence d’une organisation, « un mouvement très coordonné avec de nombreux messages sur des boucles WhatsApp pour s’organiser, ou encore dénoncer des enseignants problématiques » [19] comme le confient des enseignants et étudiants inquiets ; si la tête de liste du RN n’a qu’à jouer aux influenceurs sur TikTok pour obtenir 1,2 million d’abonnés, mettant en application ses leçons de media training, avec le slogan du célèbre rappeur Jul, « le J, c’est le S », rappeur dont les concerts remplissent les stades et affichent complets en quelques heures ; la stratégie digitale fait des réseaux un placement de produits permanent qui rapporte la popularité [20]. Sur Instagram, un autre concurrent tient sa revanche avec un autre style, des publications soignées qui parlent d’action politique au Parlement européen. Reste à savoir si l’élection se joue sur Instagram, TikTok ou… et avec des électeurs internautes qui ont l’âge recommandé.
Alors, « Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? » [21] demandait Jacques-Alain Miller à Lacan dans Télévision. Si le discours de l’analyste n’admet pas la question de ce qu’on peut savoir, dit Lacan, puisqu’il part de le supposer comme sujet de l’inconscient, encore reste-t-il à chacun de se faire responsable de ce savoir insu déjà-là, et de ne pas céder devant une des passions humaines qu’est l’ignorance, par un je n’en veux rien savoir. À la question du faire, Lacan répond ce qu’il fait de sa pratique, « tirer l’éthique du Bien-dire ». En effet, « Ne demande “que faire ?” que celui dont le désir s’éteint », comme l’annote Jacques-Alain Miller. Quant à espérer, lucide, lui aussi, Lacan répond : « espérez ce qu’il vous plaira. Sachez seulement que j’ai vu plusieurs fois l’espérance, ce qu’on appelle : les lendemains qui chantent, mener les gens que j’estimais autant que je vous estime, au suicide tout simplement. […] d’où vous espérez ? » Attention, l’absence d’espérance n’est pas le désespoir, Jacques-Alain Miller l’a souligné [22], mais une position éthique du sans espoir. S’il n’y a rien de bien à attendre de la masse prise comme signifiant-maître [23], soyons présent en acte, « pas l’acte chargé de bonnes intentions, mais l’acte en tant que dépendant des suites qui lui seront données [24] » et œuvrons ainsi dans une logique collective qui additionne les solitudes subjectives [25], supportant l’impossible, à ce que la lucidité, pas sans joie, puisse se nouer à la pulsion de vie.
Dominique Grimbert
[1] Zweig S., Vienne, Ville de rêve, Bouquins Éditions, Paris, 2021.
[2] Ibid.
[3] À paraître prochainement deux livres de Philippe Lacadée : Stefan Zweig. L’ombre devant soi. Zweig avec Freud. Et Stefan Zweig. … seuls les vivants. Écrits et paroles d’un Européen.
[4] Zweig S., Mélancolie de l’Europe, Feux croisés, Plon, avril 2024.
[5] Ibid., p. 13.
[6] Ibid., p. 106.
[7] Ibid., pp. 101-102.
[8] Ibid.
[10] Retranscription dialogue de la série.
[12] Retranscription dialogue de la série.
[13] Miller J.-A., intervention lors de « Question d’École », École de la Cause freudienne, Paris, 22 janvier 2022, inédit.
[14] Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’Envers de la psychanalyse, Seuil, 1991, p. 83.
[15] Alombert A., Schizophrénie numérique, Éditions Allia, 2023.
[16] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, p. 106.
[17] Un business model, appelé également modèle économique ou modèle d’affaires, décrit précisément comment votre entreprise va gagner de l’argent. En pratique, cela revient à définir ce que vous allez vendre, auprès de quels clients, dans quel but, de quelle manière et pour quel bénéfice.
[18] https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/16/fbec6abe9d9cc1bff3043d87b9f7951e62779b09.pdf
[19] Bussigny N., « Science-Po, Fanas de l’Intifada », Franc-tireur du 8 mai 2024.
[20] Chicheportiche J., « Bardella, vidéos et biscotos », Franc-tireur, op. cit.
[21] Questions que Jacques-Alain Miller adresse à Jacques Lacan dans Télévision.
[22] Miller J.-A., Le Séminaire, livre XXIII, Le Sinthome, Seuil, p. 243.
[23] De Georges Ph., « Candide aux mains sales ». https://laregledujeu.org/2015/01/15/18743/candide-aux-mains-sales/
[24] « L’acte entre intention et conséquence » issu de son Séminaire de politique lacanienne, Jacques-Alain Miller
[25] Miller J.-A., « Théorie de Turin sur le sujet de l’École (2000), La Cause freudienne, 2010/1 (n°74), pp. 132-142.
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