Rencontre entre la réduction des dommages, affect, territoire et la production de soins en santé avec la population sans domicile fixe.
Le Cabinet de rue (CR) au Brésil naît comme un essai, au début de 1999, à Salvador de Bahia, visant à répondre à la problématique d’enfants et d’adolescents sans domicile fixe, usagers d’alcool et d’autres drogues, sans accès aux services de santé.
Implanté dans la ville de Belo Horizonte en 2011, le CR fait partie du Réseau d’Attention psycho-sociale en lien avec l’Attention primaire à la santé et a comme but la garantie du soin intégral en santé pour la population sans domicile fixe (SDF), ayant la réduction des dommages et le soin en liberté comme fondements éthiques. Il s’agit d’un service mobile, avec des consultations in loco dans des lieux où il y a une plus grande concentration de SDF, ainsi que dans des scènes publiques d’usage de drogues ou dans des espaces d’usage, stratégiquement. Les équipes sont composées de réducteurs des dommages, psychologues, infirmiers, art-éducateurs, assistants sociaux, médecins et des conducteurs.
La définition de la Politique nationale pour la population sans domicile fixe (2009) soulignait déjà l’hétérogénéité de ce groupe, et la diversité des territoires où ces individus peuvent être insérés. À partir de l’expérience sur le terrain et de la Recherche nationale de la population sans domicile fixe (2008), on observe, néanmoins, qu’il y a des caractéristiques communes entre les gens qui vivent dans cette situation. La population SDF est majoritairement composée de personnes noires ayant un bas niveau de scolarisation qui ont souvent subi la violation de leurs droits, ainsi que des violences physiques, sexuelles, psychologiques et institutionnelles. Pour la plupart des cas, toutes ces violences sont toujours présentes et deviennent encore plus graves dans leur vie dans la rue, ce qui rend l’accès aux services publics et aux droits sociaux très difficile.
De cette façon, il est essentiel de partir du principe de l’équité comme base d’orientation pour la construction des actions de soin avec cette population. Pour cela, il est indispensable de comprendre qui est ce public, où il circule, comment s’établissent leurs affects et quelles sont les logiques propres du territoire où ils se trouvent. Un abord qui considère les particularités et les nécessités spécifiques de chaque personne, est donc fondamental afin d’encourager un savoir-faire qui parte du savoir singulier du sujet sur lui-même, étant donné que celui-ci est souvent considéré comme destitué de son propre savoir.
Ainsi, l’expérience du Cabinet de rue est une expérience assez radicale pour le professionnel qui doit avoir accès au territoire singulier et éphémère de cette réalité quotidienne. Il n’est possible d’accéder à quelques scènes qu’à travers l’écoute, la cartographie des affects et leurs logiques territoriales. Il est fondamental de comprendre la place sociale occupée par chacun des acteurs dans le territoire : la place de l’usager, de la loi, du trafic et des substances psychoactives, et à partir du savoir et de la circulation des usagers, orienter la circulation de l’équipe elle-même, visant, de cette façon, à construire la place du CR dans le territoire, toujours avec la prémisse du soin.
Il faut aussi, au-delà des vulnérabilités, comprendre si, et comment, le soin est déjà présent dans chacun de ces endroits, et à partir de cette analyse, construire des stratégies pour le potentialiser.
Dans l’imaginaire social règne l’idée que les personnes deviennent sans domicile fixe du fait de l’usage des substances ; cependant la clinique construite avec ces sujets-là révèle d’autres facettes de ce vécu.
Face à cela, il est important de renforcer que ce qu’on traite n’est pas la drogue mais plutôt sa fonction, ce qu’elle tamponne. À travers l’écoute, on dévoile des douleurs physiques, des violences institutionnelles, le racisme, la précarité de récits et symbolisations, des marques des structures colonisatrices sous lesquelles le Brésil s’est constitué.
À partir de la constatation qu’on ne traite pas l’objet, devient évidente la nécessité de l’intervention par l’éthique de la réduction des dommages (RD) qui se présente en sens contraire des pratiques institutionnelles, puisqu’elle fait du sujet qui fait usage de la substance le protagoniste et qui, comme on a déjà dit antérieurement, compose une strate populationnelle violentée et réduite au silence dans le contexte brésilien.
La politique du ministère de la Santé d’attention intégrale à l’usager d’alcool et d’autres drogues prône la réduction des dommages comme stratégie de santé publique : « il s’agit d’un ensemble d’actions et des stratégies de santé et de soin qui cherche à réduire les risques individuels et sociaux dans l’usage de substances licites ou illicites, dont le but est de minimiser les risques associés à l’usage ». (UFRJ, 2021, p. 5)
À partir de la théorie psychanalytique d’orientation lacanienne, on peut comprendre que « dans son rapport à l’objet, le sujet trouve toujours un manque, puisque la pulsion en jeu ne se satisfait pas avec l’objet en tant que tel, mais plutôt avec le trajet qu’on fait autour de celui-ci. » (Ph. Lacadée, 2011)
Lacan (1988) soutient encore que dans la présence massive de l’objet, la satisfaction du sujet se maintiendra toujours partielle ; il souligne que la satisfaction opère à partir du trajet autour de l’objet. Plusieurs interventions faites par les services de santé qui travaillent dans la perspective de la réduction des dommages agissent justement dans l’agrandissement de l’intervalle entre les usages, rendant le trajet autour de l’objet plus large, enrichissant les expériences de plaisir et faisant des greffons symboliques. À partir de cette expérience, quelque chose de la fiction (en tant que récit) et par conséquent de la fixion (dans le mode de jouissance) du sujet peuvent se déplacer.
Au CR il est possible de témoigner des hiatus entre les usages qui se révèlent fertiles à l’augmentation de la trajectoire entre le sujet et l’objet, parfois dans le trajet en voiture, entre la scène de l’usage et le service de santé, ou dans les interventions artistiques, ainsi que dans l’offre de soins qui est faite avec de l’eau, des friandises, de l’écoute et de la parole.
Dans cette expérience, la validation du savoir propre de l’usager devient évidente, ainsi que la reconnaissance de l’affect produite au lieu de la consultation. L’écoute lors de ces interventions dans le territoire ne sont pas des écoutes passives ; très souvent, il faut valider ce qui pour cet usager était une ressource jusqu’alors refusée dans le lien social. Les interventions actives, en plus de servir comme médiation aux phénomènes de groupe présents dans la scène d’usage, dans la cité, dans la communauté, rendaient possible la circulation de la parole, la dignification de nouveaux arrangements particuliers et l’intervention d’arrangements légitimés collectivement à partir de cette réalité spécifique.
“ […] l’analyste, plus qu’une place vide, est celui qui aide la civilisation à respecter l’articulation entre des normes et des particularités individuelles. [...] Ainsi, avec les autres, il doit aider à empêcher que, au nom de l’universalité ou de n’importe quel universel, humaniste ou antihumaniste, on oublie la particularité de chacun. Cette particularité est oubliée dans l’Armée, dans le Parti, dans l’Église, dans la société analytique, dans la santé mentale, partout. Il faut se rappeler qu’on ne doit pas enlever la particularité de quelqu’un pour le mélanger à tous dans l’universel, pour un certain humanisme ou pour n’importe quelle autre raison. » (É. Laurent, 2010, p. 09)
Joelson Rodrigues de Souza
Wakyla Corrêa
Dayanna Salomão
Rafaela Marinho
Références Bibliographiques
Brasil. Pesquisa Nacional sobre a População em Situação de Rua. Brasília, DF, MDS, SAGI, Meta, 2008.
Brasil, Política Nacional para a População em Situação de Rua. DECRETO Nº 7.053 DE 23 DE DEZEMBRO DE 2009. Brasília, 2009
Dighero, D.. Da ficção à fixação. Revista Fapol Online. Lacan 21, 2021.
Nery Filho, A., Valério, A. L. R., Monteiro, L F., Guia do projeto consultório de rua. Brasília, Secretaria Nacional de Políticas sobre Drogas/Salvador, Centro de Estudos e Terapia do Abuso de Drogas, 2011
Lacadée, Ph., O despertar e o exílio, Rio de Janeiro, Contra Capa, 2011, p. 108-114.
Lacan, J., Outros escritos, Rio de Janeiro, Jorge Zahar, 2003.
Laurent, É., Analista Cidadão, Curinga v.1, n.0 (out. 1993). - Belo Horizonte, Escola Brasileira de Psicanálise - Seção Minas, n° 31, dezembro de 2010.
Universidade Federal do Rio de Janeiro, LAFEND descomplica : Redução de Danos e Abstinência, Rio de Janeiro, [s. n.], 2021. Disponível em: http://educapes.capes.gov.br/handle/capes/601146. Acesso em: 17 abr. 2023.
Lacan, J., O Seminário, livro xi Os quatro conceitos fundamentais da psicanálise, Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, 1988.
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