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Interview Léna Burger

Julien Borde – Bonsoir Léna Burger, merci d’être avec nous ce soir pour cette interview du Pari de la Conversation. Un numéro spécial sur les inventions. J’aimerais savoir comment vous est venue cette idée de faire parler des enfants devant un micro ?


Léna – Comment m’est venue cette idée ? Je suis arrivée en stage au Courtil après avoir travaillé à la radio. J’avais avec moi un enregistreur que je gardais dans mon sac, mais en fait je ne l’ai pas utilisé pendant ce stage. Il y a eu une fois un enfant qui l’a vu et qui s’y est intéressé, alors on a improvisé une interview à l’arrière du camion avec lequel nous partions en sortie. Plus tard, il a participé à l’atelier radio et il me rappelait souvent que c’était lui le « pionnier de la radio ». Mais tant que j’étais dans cet espace de stage, ça ne s’est pas présenté, de mettre en jeu cet enregistreur comme un objet au milieu des moments de vie.

Par contre, par la suite, mon idée a été de mettre en place un atelier radio, c’est-à-dire en l’installant vraiment. Donc les premières questions ont été d’avoir un lieu, d’y disposer un matériel technique qui fasse vraiment petit studio de radio et de proposer aux jeunes de se saisir de cela pour inventer quelque chose, chacun à leur façon.

Auparavant, j’avais travaillé avec des jeunes en lycée professionnel auxquels j’avais proposé des ateliers de philosophie. La deuxième année, on avait fabriqué des petits objets radiophoniques autour de questions comme le désir, la mort, le progrès. [1] Et j’avais trouvé cela très intéressant de travailler le son et l’objet radio différemment de ce que j’avais connu dans des émissions plus classiques à Radio France.

J’ai proposé l’atelier « Radio Courtil » en l’inscrivant dans cette modalité de travail de l’atelier telle qu’elle existe au Courtil, et en ayant aussi l’idée que pour que ça soit une radio, il fallait qu’on puisse l’écouter. J’ai donc créé le site de la radio www.radiocourtil.com afin que ce soit possible pour les jeunes d’entendre les productions, même si pas toutes ne sont mises en ligne et qu’il y a toujours, après l’enregistrement, l’étape du montage.


Philippe Lacadée – Justement sur cette histoire de Pas-tout, y-a-t-il un contrôle ? Par exemple si un enfant, emporté par l’enthousiasme de la radio, se met à dire des choses dites « délirantes » … Est-ce qu’il y a, non pas une censure, mais une façon délicate de lui dire que tout ne peut pas être entendu ?


LB – C’est tout l’enjeu depuis la mise en place de l’atelier. Ma question était d’emblée : comment mettre en jeu un objet qui capte, et qui, du coup, peut aussi capter à l’insu de celui qui est là ? Un objet qui propose de travailler avec la voix, ce qui n’est pas n’importe quoi. Comment faire en sorte que cet enregistreur ne soit pas comme un filet à papillons pour attraper les perles et les inventions, qui font leur effet, mais où on peut se jouer de celui qui participe ?

Je cherche à trouver une juste place dans le fait de faire ensemble. Cette dimension de mise en ligne des objets, exige une grande attention à cette étape de travail à l’intérieur de l’atelier lui-même. Pas pour tous, puisqu’il y a une grande variété de participations, mais pour certains, qui font des choses un peu classiques, comme les chroniques, cela fait partie de ce qui se discute ensemble : « Qu’est-ce qui est off ? », « Qu’est-ce qui est dans l’enregistrement ? », « Qu’est-ce qu’on va pouvoir éventuellement couper dans le montage ? », « Qu’est-ce qu’on garde et qu’est-ce qu’on jette ? ». Il y a d’autres enfants pour qui mettre cette dimension en jeu, ce n'est pas possible. C’est donc à moi de saisir à quel endroit quelque chose dérape ou, au contraire, là où quelque chose se construit. Il n’y a jamais aucune obligation : on a la main sur les machines ; on les active, on les désactive. Et enfin, ce n’est pas du direct.


Dominique Grimbert – Parfois des enfants vous ont-ils demandé de retirer ?


LBA priori, c’est toujours l’objet d’un accord en amont. Mais il y a déjà, effectivement eu un enfant qui m’a demandé de retirer ses enregistrements. Cela fait six ans que je fais cet atelier, en grandissant les voix changent, et cet enfant m’a dit, après avoir réécouté les premiers enregistrements, qu’il trouvait qu'il avait une voix de petit, et il était gêné par ça. Il y en a un qui m’a demandé au contraire de les garder après son départ de l’institution pour que ça reste en ligne. Après, assez naturellement sur le site, je laisse quand même plutôt dans la rubrique qui concerne les derniers enregistrements, ce qui est le plus récent. Il y a des usages très variés de cet espace de diffusion. Il y en a qui écoutent beaucoup leurs émissions, d’autres qui ne les écoutent pas du tout. Et il y en a qui écoutent les chroniques, d’autres jeunes ça dépend…


PL – Est-ce que vous pourriez préciser si ça se fait sur le mode d’un entretien que vous avez avec un enfant ? Ou alors sur le mode, comme vous dites, de chroniques c’est-à-dire que ce sont eux qui viennent dire quelque chose dans une fonction de témoignage ? Et si oui, est-ce que ça a créé une sorte de désir de passer à la radio ?


LB – Concernant ceux qui ont envie de passer à la radio, leur envie préexiste à l’atelier. Ils sont venus à l’atelier parce que l’idée d'être animateur par exemple, c’est déjà leur idée. Il y en a deux pour qui c’est le cas. L’un voulait faire une émission comme dans la chaîne dont il était fan. Il voulait qu’il y ait tous les animateurs, et que ça reproduise exactement l’émission avec les mêmes jingles, etc. Et il y a eu tout un travail pour que ça se construise selon son propre style, donc petit à petit il prend un pseudo… C’est-à-dire que ça se décale un peu, il parvient à ne pas juste coller à l’image qu’il avait de cette émission où il interpellait les animateurs comme s’ils étaient présents. Et donc on a modulé les voix. On a essayé d’introduire tous les éléments techniques de la radio, de fabriquer ses propres jingles et non pas simplement de récupérer ceux de la chaîne, enfin de modifier un peu les choses. C’est quelque chose qui l’a beaucoup accompagné. Au moment de son départ du Courtil, il s’est mis à chercher s’il y avait une radio où il puisse continuer à faire des émissions, dans l’endroit où il allait ensuite.

Mais je ne crois pas, sinon, que l’atelier ait vraiment créé d’envie de passer à la radio. En revanche, cela a soulevé beaucoup de questions :« qu’est-ce que c’est passer à la radio ? », « est-ce qu’elle s’écoute dans une voiture la radio ? », « Est-ce qu’elle s’écoute sur Internet ? », qui sont « les auditeurs » ? etc.

Concernant la façon dont l’atelier se passe, c'est une question que j’ai eue bien sûr au moment de sa mise en place, il y a six ans : qu’est-ce que je vais proposer à ces enfants ?

Je me suis alors appuyée sur la grille d’une radio, disant qu’il y avait les infos, le foot, de la musique… Mais en réalité, assez vite je me suis aperçue que les enfants savaient très vite eux-mêmes ce qu’ils voulaient faire en entrant dans l’atelier. Ils avaient déjà une idée qui, en général, est tout à fait connectée à ce qu’ils travaillent.

Ça, c’est quelque chose que je peux saisir quand je vais dans des réunions cliniques des groupes dans lesquels ces enfants sont accueillis. Ce qu’ils mettent en jeu à la radio, cela touche aussi le point qu’ils mettent en jeu dans d’autres ateliers. Il y en a un qui est venu avec l’idée qu’il voulait faire une émission sur les embouteillages. C’est devenu « radio bouchons ». On a cherché ensemble comment faire, on a cherché des cartes sur le téléphone où les embouteillages apparaissaient en rouge et donc il pouvait commenter, même s’il ne savait pas lire. Et il s’est mis à inventer, au fur et à mesure de ce qu’il voyait, des annonces aux automobilistes pour leur expliquer qu’il fallait prendre des dérivations et qu’il y avait plein de choses sur la route...

Bon et bien ça, c’est son invention. Et c’est une invention qui était très connectée à ce qu’il pouvait travailler par ailleurs dans d’autres espaces du Courtil.

Il y en a qui viennent chanter des musiques sur le mode du karaoké. Il y en a un qui est venu faire des « actus ciné et gaming », de façon très sérieuse et très régulière. Il y a aussi des jeunes qui sont plus loin de la parole : un jeune par exemple qui s’intéresse beaucoup aux canards et à deux ou trois chanteurs ou musiciens qu’il aime particulièrement, dont Léonard Cohen et Angèle. Cela donne un mélange de vidéos de canards qui se baignent avec la chanson « Hallelujah », et il danse. Pour lui, par exemple, c’est difficile d’être trop près de la voix dans le casque ou du son, parce que ça l’anime beaucoup dans le sens où ça lui fait un effet très fort, qui est plutôt chouette, mais qu’il a besoin de tempérer en se mettant à circuler. Donc il s’approche un peu du casque, puis il fait un petit tour dans le couloir, puis il revient avec une pomme chipée dans le bureau d’une collègue…

Cet atelier-là donne bien sûr des émissions très baroques et pas toujours mises en ligne. Ce n’est pas ce qui compte le plus pour lui, de se réécouter. Mais c’est tout un travail qui se construit. Au tout début, quand il est arrivé, il avait du mal à ne pas déchiqueter les mousses des micros, des casques, parce qu’il déchire beaucoup certaines matières, la mousse mais aussi les cartons. Donc maintenant je l’accueille en ayant toujours un carton pour qu’il puisse le déchirer dans l’atelier par exemple.


PL – Ayant participé à une radio faite par des enfants dans une institution à Bogota, tenue par des religieuses, j'ai été interviewé par des enfants qui animaient cette radio. Là, ils avaient un vrai studio et une fonction de journalistes ; et je voulais savoir si, au Courtil, ça vous était arrivé d’interviewer, je ne sais pas, par exemple le directeur ou des personnes importantes dans l’institution ?


LB – L’idée de l’atelier n’était pas forcément de faire la radio du Courtil. Ce n’était pas calqué non plus sur le côté « le journal de l’institution » ; c’était vraiment de proposer ces objets techniques avec le son à des jeunes et de voir comment ils s’en saisissent. Mais il se trouve qu’en effet il y a eu une interview du directeur, parce qu’il y avait un jeune qui, lui, quand il est venu participer à la radio, a dit que ce qui l’intéressait, c’est d’interviewer les gens qui travaillent au Courtil. Alors il a découvert à cette occasion que le directeur du Courtil avait eu une vie antérieure avec la danse, ce qu’il ne soupçonnait évidemment pas du tout…Ça a été l’occasion de tout un travail autour des codes de la radio, et de la préparation. Écrire d’abord les questions, réfléchir à comment on les organise…C’était un travail d’écriture. Se questionner sur la longueur de l’interview…

Dans cet atelier, il y a une petite horloge de studio qui est très importante, qui m’avait été offerte à France Culture et qui est vraiment l’horloge de radio avec ses points bleus qui s’allument au rythme des secondes, sur laquelle un jeune a collé un post-it « Radio Courtil » par-dessus le logo France Culture. Cette horloge, elle compte à plus d’un titre. D’une part parce que sont des ateliers souvent assez courts. Parfois, un jeune reste dix minutes, mais c’est assez long dix minutes en radio, quand ils ont déjà un peu l’habitude et préparé les choses, tout dépend du travail de chacun.

L’horloge permet bien sûr de ne pas perdre le temps de vue, mais elle a aussi une fonction importante de ponctuation. Il y a par exemple un jeune qui venait très régulièrement dans le groupe de vie, rapporter toutes les catastrophes des dix dernières années, comme si elles venaient de se passer à l’instant. Donc, le 11 septembre, la mort de Michael Jackson, enfin tout un tas d’événements comme ça, les tempêtes, etc. Et il voulait parler de ça à la radio. Mais c’était comme une espèce de fil infini qui se déroulait et, au bout d’un temps, ça finissait par trop enfler et le mettre en difficulté. Alors je lui ai proposé qu’on fasse un « flash info ». Or, un flash info, c’est très court ! Donc il fallait qu’on resserre les titres, ce qui lui a permis de loger cette chose qui était vraiment son intérêt mais qui pouvait par moment être envahissante parce que les tempêtes…il fallait se mettre à l’abri, et puis elles commençaient à devenir menaçantes… Il a pu faire tenir cela dans une chronique de radio avec des jingles et avec l’œil sur l’horloge pour serrer quelque chose.


JB – Est-ce que la présence du micro a modifié la façon dont les enfants se sont adressés à vous ?


LB – Ça c’est très intéressant oui, la présence du micro. C’était d’emblée quelque chose de très particulier, je dirais avec le micro mais aussi « le retour-casque », c’est-à-dire le fait que l’on entende sa voix et la voix de l’autre amplifiée. Je précise d’ailleurs que, dans cet atelier, il n’y a pas de son diffusé par des enceintes. Ça laisse, de cette façon, la possibilité que le silence puisse être retrouvé très vite : on enlève le casque et, tout de suite, la voix est arrêtée sans avoir besoin de connaître le bouton où appuyer. Et il y a eu comme ça, par exemple, un jeune venu dans les tout premiers ateliers, qui est devenu tout blanc brusquement : c’était très compliqué pour lui d’entendre sa voix et, plus encore, son énonciation. Il avait une énonciation très particulière avec tous les mots qui étaient mélangés dans sa phrase. On pouvait comprendre ce qu’il disait, mais il butait souvent sur comment les dire. Et ça a vraiment fait un retour très difficile pour lui. Là, par exemple, c’était l’indication que s’il participait à l’atelier, c’était sans casque.

Il y en a eu un autre qui ne voulait pas s’entendre d’emblée. Et donc, à chaque fois qu’il venait à la radio, il soufflait dans le micro pour s’assurer que c’était coupé. Et comme ça, on pouvait commencer. Il avait expliqué qu’il n’entendrait sa voix qu’à dix-huit ans, avant, c’était hors de question.

Il y a d’autres jeunes pour qui écouter la voix dans le micro, ça ouvre cette dimension, qui est quand même assez présente dans l’atelier et qui est très intéressante, d’une adresse aux auditeurs, et donc ça modifie quelque chose.

L’atelier est configuré comme cela : il y a moi qui suis plutôt du côté de la technique, le petit plateau, et le jeune qui s’installe près du micro, même s’il peut être intéressé par l’aspect technique et que cette possibilité reste ouverte. Mais, en plus de nous deux, il y a cette adresse : ceux à qui on parle, les auditeurs.

Il y a un jeune par exemple qui était très souvent traversé par des insultes, par une parole un peu parasitée et qui, justement à cause de cette adresse-là, s’est mis à sursauter quand il disait des insultes en se disant : « Mais mince ! Là c’est dans la radio. »Et donc, avec lui, on a fait tout un travail pour pouvoir couper, séparer les moments : celui du off et celui où ça enregistre.

C’était super intéressant de voir que, chez lui, juste cet effet de retour du casque et la dimension de l’adresse, lui avaient permis de se saisir de cela comme un point à traiter à l’intérieur de sa parole ; ce qui n’était pas du tout possible comme tel dans le reste du quotidien, puisque bien sûr lui dire : « Arrête de dire ceci ! » etc., ne fonctionnait pas.

Un autre voulait passer des musiques et donc on a fabriqué des bips à la voix pour biper les insultes dans les morceaux de rap. Et, là aussi, c’était très intéressant de faire ça ensemble parce que ça a permis de pouvoir parler dans l’espace de l’atelier d’insultes sans que celles-ci aient leur valeur percussive. On pouvait dire « bon alors là, dans ce morceau de rap, il vient de dire “ta gueule”, peut-être là on bipe… ou est-ce qu’on ne bipe pas ? » Il y avait toute une discussion : « Qu’est-ce qui est une insulte ? », « Qu’est-ce qui ne l’est pas ? » Et je peux prononcer « ta gueule », à ce moment-là, sans que ce soit l’insulte qui le vise puisque c’est comme si ça ouvrait des parenthèses, des guillemets, des façons d’introduire de la syntaxe…


DG – Est-ce que la crise sanitaire et le confinement ont eu des effets sur l'atelier ? Lui ont-ils donné une nouvelle dimension ?


LB – Oui, c’est la seule fois que la radio est devenue une radio en direct. Au moment du confinement, presque tous les jeunes du Courtil se sont retrouvés en famille. En famille d’accueil ou en foyer, selon leur situation. À ce moment-là, j’avais le matériel chez moi et j’ai envoyé une invitation diffusée aux familles et aux jeunes proposant un rendez-vous radio le samedi après-midi, pendant deux heures, qui s’est appelé « Radio Courtil Au bout du fil », puisque tout le principe était qu’il y ait un numéro et qu’il soit possible de téléphoner à la radio et de l’écouter en direct sur un site. C’était très joyeux et très intéressant. Il y a eu comme ça des jeunes qui appelaient et qui pouvaient en même temps écouter de chez eux la radio, donc aussi entendre les interventions des uns et des autres.

Certains enfants ont téléphoné pour faire des dédicaces dont cet enfant très rigolo qui m’a dit :

« – Je veux faire une dédicace !

– Très bien ! Super ! À qui ?

– Mais non, juste une dédicace ! »

– D’accord. Donc voilà. »

Et d’autres qui venaient donner des conseils, pour passer le confinement, des conseils de sport, des conseils de séries, enfin tout un tas de choses…Certains qui venaient diffuser une musique, un autre qui faisait les infos sur les différentes mesures qui venaient d’être annoncées. Il y a aussi eu cet exemple très touchant : la maman d’un enfant qui est accueilli au Courtil, qui, lui, ne parle pas, et ne participe pas à la radio, mais l’invitation est parvenue à la famille aussi, alors ils ont simplement écouté et la maman a pu constater que son enfant qui était très perdu pendant cette période de confinement, avait entendu les voix des jeunes avec qui il était d’habitude dans son groupe, voire de certains intervenants, qui pouvaient aussi appeler parfois pour dire un petit mot, et que ça l’avait mis dans un lien à nouveau possible avec ce dont il était complètement coupé du fait de cette crise sanitaire. Elle témoignait de l’effet aussi là, simplement, de la transmission par la voix, d’un soutien.


PL – Justement par rapport à ça, j’ai une petite question : quand il y a des enfants qui sont mineurs, est-ce qu’il faut avoir l’accord des parents pour que l’enfant passe à la radio ?


LB – Alors, ce qu’on a convenu tout de suite, c’était qu’il n’y avait pas de noms de famille dits à la radio. Donc, les enfants interviennent avec leur prénom, mais souvent avec des pseudos aussi. Ils aiment bien avoir des pseudos et puis cela entre dans le cadre de ce qui est expliqué et convenu avec les familles au moment de l’inscription dans l’institution, comme pour les photos. En parlant de droit avec la voix et de droit à l’image, cela me fait penser, par association, à la question de la séparation entre l’image et la voix justement. Disons que, d’une certaine façon, dans cet atelier, l’image ou le regard est sinon absent du moins n’existe pas tout à fait au même plan qu’un atelier avec de la vidéo par exemple.


PL – Quoique dans la psychose, Lacan dit que la voix sonorise le regard.


LB – Oui, mais c'est quand même quelque chose que je perçois au fur et à mesure du temps de travail : l’effet et l’importance pour beaucoup d’entre eux que justement le regard soit, disons, un peu élidé dans ce moment d’atelier. Je pense à une jeune qui est venue très longtemps parler de ses dessins. Elle amenait ses planches ou bien des photos sur son téléphone. Elle a une pratique de dessin soutenue qui est très importante pour elle. Ce sont des dessins qui peuvent impressionner. Ils ont parfois un caractère un peu gore, enfin il y a une dimension qui peut susciter un certain effet. Et je trouvais que c’était très intéressant de mobiliser avec cette jeune fille, qui était assez grande et pouvait parler de son travail, un échange où justement il s’agissait de discuter de points techniques, donc ce qu’elle utilisait comme fusains, à quel moment elle introduit de la couleur, pourquoi plutôt telle couleur, comment fabriquer des ombres… La discussion portait sur les différentes étapes et se décalait de l’effet qui peut figer de l’image d’un seul bloc. Elle pouvait à la fois les montrer et les cacher tout en en parlant. Enfin, il y a vraiment eu une circulation intéressante dans l’atelier de cet objet-là qui était vraiment son objet. Sans qu’une certaine agitation, que parfois le regard peut faire surgir, ne survienne.

Je pense qu’il y a des ateliers dans lesquels c’est la vidéo qui est travaillée, ou la photo, ou le dessin, et que c’est très intéressant évidemment. Je ne veux pas du tout dire qu’il faut le mettre de côté. Mais concernant mon travail, cela a pu régulièrement avoir une fonction de pouvoir dire qu’ici c’est du son. Avec l’enjeu d’un certain savoir technique aussi, qui se loge et se spécifie autour d’un objet. D’ailleurs, certains parfois demandent que l’on fasse des vidéos, et je dis que ce n’est pas mon truc, que ce que je connais c’est vraiment du côté du son – et via la radio et les outils qui la composent, du côté de la parole et aussi de l’écriture.


PdC – Très bien. Merci à vous Léna.








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