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« Chacun cherche sa moitié » [1] - Virginie Leblanc-Roïc et Philippe Lacadée

Philippe Lacadée – Bonjour Virginie, vous semblez bien songeuse, que nous vaut cette mine triste et ce regard égaré ?

 

Virginie Leblanc – Bonjour Philippe, figurez-vous que je viens à l’instant de quitter mon bien-aimé, et sincèrement, le monde me semble si vide, et davantage encore... Tenez, c’est comme si je venais de perdre ma moitié.

 

Lui – Chère Virginie, c’est en effet une expérience terrible que vous vivez, et à laquelle, depuis la nuit des temps, chaque aimant est confronté, à tel point que Platon lui a consacré tout un dialogue, Le Banquet, cela vous dit-il quelque chose ? Et le personnage de l’auteur de comédie, Aristophane ? Il y dépeint pourquoi les géants, ancêtres des hommes, furent coupés en deux par Zeus. Depuis cette époque, les hommes recherchent leur moitié, et le désir amoureux s’identifie à cette quête de l’unité perdue.

 

Elle – Oui, j’ai souvenir de ce récit, est-ce qu’il ne disait pas qu’autrefois, « notre nature n’était pas ce qu’elle est à présent », qu’elle était bien différente ? Il y avait à l’époque trois espèces d’hommes, et non deux, comme aujourd’hui.

 

Lui – Trois espèces !?

 

Elle – Oui, le mâle, la femelle et, en plus de ces deux-là, une troisième composée des deux autres. C’était l’espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, mâle et femelle, dont elle était formée ; aujourd’hui elle n’existe plus, ce n’est plus qu’un nom décrié. Chaque homme était dans son ensemble de forme ronde, avec un dos et des flancs arrondis, quatre mains, autant de jambes, deux visages tout à fait pareils sur un cou rond, et, sur ces deux visages opposés, une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération et tout le reste à l’avenant. Ils marchaient droit, comme à présent, dans le sens qu’ils voulaient, et, quand ils se mettaient à courir vite, ils s’appuyaient sur leurs membres qui étaient au nombre de huit, et tournaient rapidement sur eux-mêmes. Ils étaient sphériques et leur démarche aussi, parce qu’ils ressemblaient à leurs parents ; ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaires, et comme ils avaient grand courage, ils attaquèrent les dieux.

 

Lui – Exactement ! Et vous souvenez-vous de ce qui est arrivé ? Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant, m’a-t-on dit, car les dieux ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coup de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c’était anéantir les hommages et le culte que les hommes rendent aux dieux ; d’un autre côté, ils ne pouvaient non plus tolérer leur insolence. Il paraît que c’est là que Jupiter, ayant trouvé, non sans peine, un expédient, prit la parole : « je crois, dit-il, tenir le moyen de conserver les hommes tout en mettant un terme à leur licence : c’est de les rendre plus faibles. Je vais immédiatement les couper en deux l’un après l’autre ; nous obtiendrons ainsi le double résultat de les affaiblir et de tirer d’eux davantage, puisqu’ils seront plus nombreux. Ils marcheront droit sur deux jambes. S’ils continuent à se montrer insolents et ne veulent pas se tenir en repos, je les couperai encore une fois en deux, et les réduirai à marcher sur une jambe à cloche-pied. » 

 

Elle – Oui, et Aristophane rapporte même que, ayant ainsi parlé, il coupa les hommes en deux, comme on coupe un œuf avec un cheveu ; et, chaque fois qu’il en avait coupé un, il ordonnait à Apollon de retourner le visage et la moitié du cou du côté de la coupure afin que, en voyant sa coupure, l’homme devînt plus modeste, et il lui commandait de guérir le reste. Apollon retournait donc le visage et, ramassant de partout la peau sur ce qu’on appelle à présent le ventre, comme on fait des bourses à courroie, il ne laissait qu’un orifice et liait la peau au milieu du ventre : c’est ce qu’on appelle le nombril. Puis il polissait la plupart des plis et façonnait la poitrine avec un instrument pareil à celui dont les cordonniers se servent pour polir sur la forme les plis du cuir ; mais il laissait quelques plis, ceux qui sont au ventre même et au nombril, pour être un souvenir de l’antique châtiment.

 

Lui – Vous semblez dire Virginie que, quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et, s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble, les hommes mouraient de faim et d’inaction, parce qu’ils ne voulaient rien faire les uns sans les autres ; et, quand une moitié était morte et que l’autre survivait, celle-ci en cherchait une autre et s’enlaçait à elle, soit que ce fût une moitié de femme entière – ce qu’on appelle une femme aujourd’hui – soit que ce fût une moitié d’homme, et la race s’éteignait.

 

Elle – C’est exactement ce que j’ai l’impression de vivre aujourd’hui ! Heureusement que Zeus, touché de pitié, imagina une solution : il transposa les organes de la génération sur le devant ; jusqu’alors ils les portaient derrière, et ils engendraient et enfantaient, non pas les uns dans les autres, mais sur la terre, comme les cigales. Il plaça donc les organes sur le devant et par là fit que les hommes engendrèrent les uns dans les autres, c’est-à-dire le mâle dans la femelle. Cette disposition avait un double but : si l’étreinte avait lieu entre un homme et une femme, ils enfanteraient pour perpétuer la race, et, si elle avait lieu entre un mâle et un mâle, la satiété les séparerait pour un temps, ils se mettraient au travail et pourvoiraient à tous les besoins de l’existence. C’est de ce moment que date l’amour inné des hommes les uns pour les autres : l’amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine.

 

Lui – Mais voyez comme c’est beau Virginie, chacun de nous est donc une tessère d’hospitalité, puisque nous avons été coupés comme des soles et que d’un nous sommes devenus deux ; aussi chacun cherche sa moitié. Quel mythe tout de même ! Il est vrai que le peuple lacanien le tient pour particulièrement naïf, mais il n’est pas sans m’évoquer la libido freudienne, soit aussi bien ce qui nous pousse vers l’autre, à faire plus ou moins couple. Savez-vous d’ailleurs que Lacan dans Télévision, à partir d’une interrogation sur l’inconscient est amené à dire : « c’est à progresser dans un tissu d’équivoques, de métaphores, de métonymies, que Freud évoque une substance, un mythe fluidique qu’il intitule la libido ». Naturellement, si Lacan fait entendre que c’est le mythe qui est à proprement parler fluidique, la libido, elle, est élevée de belle façon à une dimension mythique.

 

Elle – Oui, vous avez raison Philippe, mais ça n’est pas cela qui fera revenir mon fiancé ! Vous qui êtes un analyste réputé, n’auriez-vous pas un conseil à me donner, une explication qui me permette de me sentir moins démunie ? Je me demande d’ailleurs si on ne pourrait pas trouver une explication à ce terrible sort des amants dans un autre mythe, vous savez, inventé par Lacan cette fois-ci, je crois qu’on l’appelle le mythe de la lamelle. Lui aussi évoque la coupure et la séparation, via la question de la libido freudienne, mais en des termes vraiment bizarres. J’en ai trouvé une partie dans Le Séminaire, livre xi, Les Quatre Concepts fondamentaux ; c’est à propos de la naissance du nouveau-né : « Chaque fois que se rompent les membranes de l’œuf d’où va sortir le fœtus en passe de devenir un nouveau-né, imaginez un instant que quelque chose s’en envole, qu’on peut faire avec un œuf aussi bien qu’avec un homme, à savoir l’hommelette ou la lamelle. La lamelle c’est quelque chose d’extra-plat qui se déplace comme l’amibe [...] ça passe partout. Et comme c’est quelque chose [...] qui a rapport avec ce que l’être sexué perd dans la sexualité, c’est, comme est l’amibe par rapport aux êtres sexués, immortel. » Philippe, c’est tout de même assez tordu cette histoire d’œuf et d’hommelette, que Lacan, en plus, écrit avec un h ! D’autant qu’il ajoute plus loin que cette lamelle, cet organe, c’est la libido, c’est ce qui est soustrait à l’être vivant de ce qu’il est soumis au cycle de la reproduction sexuelle. Je ne saisis vraiment pas bien le rapport avec ma moitié ! On dirait plutôt que Lacan introduit là autre chose, n’est-ce pas ? J’ai l’impression qu’il fait voler en morceau ma belle fusion avec mon amoureux !

 

Lui – Je ne vous cache pas que, en effet, tout l’enseignement de Lacan vise à remettre en cause cette forme sphérique du génital, cet accomplissement de la sexualité qu’on trouvait encore chez Freud. Et s’il a pu écrire que l’idée de l’amour part de ce « Nous ne sommes qu’un », c’est pour mieux en vilipender la dimension illusoire. Il va même jusqu’à écrire dans son Le Séminaire, livre xx, Encore : « C’est vraiment la façon la plus grossière de donner au rapport sexuel, à ce terme qui se dérobe manifestement, son signifié ».

 

Elle – Est-ce à dire que ce mythe de la libido freudienne, cette lamelle qui tombe et que chaque être parlant perd remet en cause l’idée qu’à deux on pourrait se faire un ? Et n’y-a-t-il jamais ô grand jamais aucune exception possible ?

 

Lui – Il peut y en avoir, si ! Saviez-vous ainsi que Lacan a reçu en séances les frères Bogdanoff, et leur disant qu’eux avaient franchi le stade du miroir d’une manière totalement singulière : « Vous vous êtes vus très vite, compte tenu que vous étiez dans le même berceau. » Chacun avait comme sa moitié symétrique inversée en face et cela de façon réelle. « Pour vous il n’y a pas eu inversion de l’image ». Lacan leur livrant alors une parole prophétique dit : « Ceci vous donnera quelque avantage pour re-poser la question de l’origine. »[2] Grichka Bogdanoff précise alors que tout leur travail sur l’origine s’est décidé là à partir de la phrase de Lacan.

Et voici une belle anecdote, racontée par Grichka : Un jour Igor rencontre un monsieur qui lui dit : « C’est vous ou c’est votre frère ? » « Vous voyez bien que c’est pas moi, c’est mon frère » lui répond-il. Et le monsieur de conclure : « C’est bien ce qui me semblait. » 

 

Elle – Il n’y aurait alors que les vrais jumeaux pour réaliser d’abord imaginairement, et puis presque dans le réel une complétude qui nous serait interdite, à nous autres pauvres amoureux ?

 

Lui – Vous êtes sur la bonne voie Virginie, et apercevez bien que la libido résulte d’un « en moins », cet « en moins » de la castration, du fait que « un » naît de « deux », du fait de l’entrée même d’un être dans le langage. D’ailleurs, Lacan précise : « cet organe qu’est la libido est irréel », cet irréel se définissant « de s’articuler d’une façon qui nous échappe et c’est justement ce qui nécessite que sa représentation soit mythique. »

 

Elle – Mais alors ce mythe de la lamelle serait l’inverse de celui d’Aristophane ? Fusion d’un côté, manque de l’autre, ou plutôt place creusée pour que vienne s’y loger un objet ?

 

Lui – Pas n’importe quel objet Virginie ! Dans ses Écrits, Lacan le dévoile.[3] en mettant en couple la lamelle avec le mythe d’Aristophane comme si celui-ci venait de trouver sa moitié. Mais, que dit principalement le mythe de la lamelle ? Que la libido est un organe, le seul organe sexuel qui vaille. Pour l’être parlant, il n’y a pas d’organe sexuel. Voyez-vous le scoop, chère Virginie ? Cela signifie que n’importe quoi peut s’y substituer. Le mythe d’Aristophane ne peut donc nous satisfaire, ce « faire un avec l’autre », la révélation du mythe ne peut être qu’un fantasme – de même que la deuxième loi de Pausanias. Et c’est de cette substitution que sont les représentants, les équivalents, toutes les formes que l’on peut énumérer de l’objet a, soit cet objet perdu qui a creusé cette place que vous évoquez...

 

Elle – Autrement dit, comme le dit Lacan dans Le Mythe individuel du névrosé, la libido comme construction mythique constitue un mi-dire – de vérité – sur la relation que les analystes disent « objectale », c’est bien cela Philippe ?

 

Lui – En effet, et quand Lacan pose que cet organe est essentiel pour comprendre la nature de la pulsion, il ne dit pas autre chose que Freud qui indique que le caractère poussant de la pulsion résulte de la différence entre le plaisir de satisfaction exigé et celui qui est obtenu. De la même façon, Freud réalise l’aspect mythique obligé de la description des pulsions qui sont, dit-il dans les Nouvelles conférences, des « êtres mythologiques ».

 

Elle – Cela signifierait donc que le mythe surgit ici pour tenter de répondre à la question de l’origine de la pulsion chez le parlêtre et de son élaboration en désir ? Cela m’évoque ce passage de Freud : « Libido est un terme emprunté à la théorie de l’affectivité. Nous désignons ainsi l’énergie, considérée comme une grandeur quantitative – quoique pour l’instant non mesurable – de ces pulsions qui ont affaire à tout ce que nous résumons sous le nom d’amour. »

 

Lui – D’accord ! Mais vous allez vite en besogne Virginie ! Car vous faites là avec Freud un saut des pulsions partielles à l’amour, autant dire un bond de l’auto-érotisme au narcissisme, par le biais d’un signifiant unaire, d’une identification…Mais est-ce que cela vous permet de mieux saisir en quoi ce mythe de la lamelle justifie la « tendance à l’union » freudienne propre à l’Eros, puisqu’il vient expliquer « ce mouvement qui pousse l’être humain vers un autre », la libido étant « ce qui fait chercher une part de soi hors de soi » ?

 

Elle – Disons plutôt que ce que je commence à entrevoir m’effraie. Car si je vous suis bien Philippe, ce que Freud et Lacan nous montrent, c’est que ce sentiment de complétude que j’ai avec mon amoureux, ces états de grâce où nous ne formons plus qu’un être ne seraient qu’une douce illusion ? Car, comme névrosée, si j’ai bien compris Lacan, j’ai surtout rapport à mon fantasme qui traite, à sa façon, son rapport singulier à l’objet a, cause du désir, soit à l’objet de sa perte d’être ? Mais et l’amour dans tout cela ?!

 

Lui – Allons Virginie, pas de désespoir je vous prie. C’est vrai que le mythe de la lamelle se distingue du mythe d’Aristophane, puisqu’il rompt la symétrie d’un seul emboîtement de deux êtres complémentaires et inverses, pour instaurer une relation d’objet. Lacan le dit du reste tout à fait clairement dans ce Séminaire xi, que vous m’avez cité. Mais écoutons-le plutôt : « La poursuite du complément, le mythe d’Aristophane en noue l’image de façon pathétique, et leurrante, en articulant que c’est l’autre, que c’est sa moitié sexuelle, que le vivant cherche dans l’amour. À cette représentation mythique du mystère de l’amour, l’expérience analytique substitue la recherche par le sujet, non du complément sexuel, mais de la part à jamais perdue de lui-même, qui est constituée du fait qu’il n’est qu’un vivant sexué, et qu’il n’est plus immortel. »

 

Elle – Oui je sens bien où vous allez en venir, vous allez me citer ce méchant Oscar Wilde, et son horrible phrase de poseur : « Aimer, c’est faire en sorte que deux corps deviennent un, le tout c’est de savoir lequel » …

 

Lui – Mais ça n’est pas si cynique, Virginie, car songez qu’entre deux sujets, côté homme ou côté femme, on est si différents, pas complémentaires, mais différents, alors, une fois entrevu que nos modes de jouissance seront à jamais irréductibles, n’est-ce pas toute une place laissée à l’invention d’un couple... pas d’une boule constituée de deux moitiés ! Puis-je pour calmer votre léger courroux contre Oscar Wilde vous citer l’aimable Woody Allen : « Ce que j’aime dans l’amour c’est qu’on ne fait plus qu’un, Moi. »

 

Elle – Je sens bien que vous avez raison, Philippe, et j’ai toujours été obscurément touchée par cette phrase de Lacan, qui donne si bien à voir cette béance, et cette irréductibilité : « L’amour est impuissant, quoiqu’il soit réciproque, parce qu’il ignore qu’il n’est que le désir d’être Un, ce qui nous conduit à l’impossible d’établir la relation d’eux. La relation d’eux qui ? Deux sexes. » [4]

Lui – Mais l’irréductible de cette brisure, de cette coupure entre le parlêtre et ses bouts de corps, et donc entre chaque parlêtre, réjouissez-vous, Virginie, car elle est loin d’être tragique, et le chemin d’une analyse permet justement de la mesurer et de possiblement savoir en jouer, en tentant d’abord de le bien dire !

 

Elle – Quand puis-je prendre rendez-vous avec vous pour ma première séance, cher Philippe ? Moi qui ai le goût des mots, je suis tellement impatiente ! Et puis, un parcours analytique lacanien, n’est-ce pas un peu aussi une pratique poétique ? Connaissez-vous ce passage de Rilke, dans ses Lettres à un jeune poète : « Le partage total entre deux êtres est impossible… » ?

 

Lui : ... Et chaque fois que l’on pourrait croire qu’un tel partage a été réalisé, il s’agit d’un accord qui frustre l’un des partenaires, ou même tous les deux, de la possibilité de se développer pleinement.

 

Elle : Lorsque l’on a pris conscience de la distance infinie qu’il y aura toujours entre deux êtres humains, quels qu’ils soient, une merveilleuse « vie côte à côte » devient possible : Il faudra que les deux partenaires deviennent capables d’aimer cette distance qui les sépare et grâce à laquelle chacun des deux aperçoit l’autre entier, découpé dans le ciel.

 


Virginie Leblanc-Roïc et Philippe Lacadée

 

 

 

[1] Texte publié dans Faire couple du Tac au Tac. Liaisons inconscientes. 22 duos de psychanalystes. (Numérique), Collectif sous la direction de Christiane Alberti. https://www.ecf-echoppe.com/produit/du-tac-au-tac-faire-couple-version-numerique/

[2] [1] Bouret Ph., Écrire, c’est vivre, Les entretiens de Brive, Paris, Éditions Michèle, 2015, pp. 73-75.

[3] Lacan J., Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 845.

[4] Lacan J., Le Séminaire, livre xx, Encore, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1975.




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