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Édito #9 - Dominique Grimbert

Selon le dernier rapport de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies, une cinquantaine de nouvelles substances apparait sur le marché européen chaque année. Les drogues de synthèse progressent, toujours plus puissantes et addictives. La production mondiale de cocaïne explose, sa diffusion s’élargit. Autant dire que les jeunes ne manquent pas d’occasions de rencontrer la promesse d’un « briseur de soucis »[1]. Dans les « teufs », il s’agit d’ailleurs de « se mettre le cerveau de côté », « déconnecter »… En France, les passages aux urgences, en lien avec l’usage de drogue, demandes d’hospitalisation et de traitement sont en forte augmentation. Francisco-Hugo Freda nous le rappelle, ce n’est pas la drogue qui fait le toxicomane, d’ailleurs, la notion de toxicomane a laissé place à celle de consommateur abusif d’un produit, avec l’effet d’ouvrir la porte à un idéal, celui d’un consommateur « raisonnable » et, pour conséquence, l’idéologie d’une consommation « récréative ou festive » possible. L’adolescent, face à l’insupportable du réel pulsionnel qui surgit en lui, et à sa nouvelle expérience de l’impossible, peut faire de sa rencontre avec un ou des produits une réponse symptomatique, ou solution, à ce qu’il vit comme une impasse subjective.

L’expérience de nos collègues d’Amérique du Sud est sur ce point précieuse et riche d’enseignements. Elle nous offre un numéro aux couleurs internationales mettant à l’honneur le savoir issu des laboratoires du CIEN du Brésil et d’Argentine. Cristiane de Freitas Cunha Grillo, Deborah Lemos Lobato de Araújo et Gabriela Antunes Ferreira s’engagent pour que chacun des jeunes qu’elles rencontrent puisse trouver une place digne à Janela da Escuta et qu’une parole inédite puisse surgir. Car il s’agit bien, comme le soulignent Joelson Rodrigues de Souza, Wakyla Corrêa, Dayanna Salomão et Rafaela Marinho, de savoir quelle fonction la drogue a pour chacun, ce qu’elle tamponne. Ces jeunes « cachent leurs problèmes avec la drogue » dit Musso Greco, il s’agira alors de leur offrir par une présence la possibilité de les traiter autrement, par le dire, la production artistique, leur permettre d’inventer un autre rapport au monde et à l’Autre. Au-delà de ce qui se donne à voir de mortifère, comme l’ont expérimenté Philippe Lacadée et Fabian Fajnwaks dans les favelas, à chacun de nous de ne pas reculer, qu’offre soit faite à ces jeunes d’éprouver dans leur corps que la substance parole produit aussi une jouissance, une jouissance du côté du vivant.


Dominique Grimbert

[1] Freud S., Le malaise dans la culture, O. C., vol. XVIII, Paris, PUF, 2002, p. 264-265.

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