Il peut y avoir dans l’air comme un « sentiment de solitude inquiète » [1] quand il s’agit de prendre le chemin de la rentrée. Les yeux des élèves picotent et papillotent, ceux des professeurs et des parents aussi. L’école décolle et s’offre lieu de rencontres avec d’autres et avec l’Autre du savoir. Du malentendu, chacun aura occasion d’en faire un usage singulier. En ce qu’elle produit de « heurt », comme le nomme Philippe Cousty, parce qu’elle oblige, il ne s’agit pas d’une simple accumulation de connaissances, mais la possibilité d’élaboration de savoirs inédits. Si Charlemagne n’a pas fait que des heureux, la rumeur du monde ne cesse pas de nous rappeler qu’y avoir accès est une chance précieuse. De sa fonction d’enseignante, Catherine Henri nous avouera que « Chaque année, en septembre, c’est un essai… Avec des personnages inconnus, des passions nouvelles, un suspens insoutenable ». Étienne Germe y découvrira avec surprise « un gaillard docile » qui, sous des airs de révolte, cache sa demande attendrissante qu’on s’occupe un peu plus de lui. Il vivra l’insistance de son professeur comme un privilège. Et c’est bien de cela qu’il s’agit, comme nous le souligne Éleni Koukouli, l’essentiel est d’aider l’élève, déjà pris dans une histoire, à ne pas se sentir menacé par l’Autre du savoir. La vraie vie à l’école [2] est ouverture sur l’altérité et ses surprises. Le banquet de l’école que nous propose Philippe Lacadée, avec des invités aussi surprenants qu’ils sont toujours connectés, nous offre une conversation des plus vivantes. Alors que les neuroscientifiques n’y engagent que du dressage, il s’agit de la cause du désir dans l’a-prendre.
[1] Camus A., Le premier homme, Éditions Gallimard, 1994, p. 186. [2] Lacadée Ph., La vraie vie à l'école, Éditions Michèle, 2013.
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