Ce numéro 1 est l’occasion de vous en dire un peu plus sur l’histoire du Pari de la conversation. C’était le nom du premier laboratoire du CIEN créé à Bordeaux en 1996, un laboratoire qui a fait un pari, celui de se mettre à l’école de la conversation, orientée par la psychanalyse d’orientation lacanienne. Une conversation, avec des partenaires de différentes disciplines travaillant avec des enfants, qui offrait la possibilité aux membres du laboratoire de témoigner de leurs impasses, de partager leurs inventions et d’étudier la place de l’enfant dans les différents discours sur lui. Un effet, celui de desserrer les prédicats et d’alléger une pratique du poids écrasant de l’idéal et de la norme qui pèse sur l’enfant.
La subversion du sujet surgit là où on ne l’attend pas, dans les effets hors-sens de la langue. Un autre pari s’est engagé par la proposition de la mise en pratique d’une autre modalité de conversation, celle-ci à l’intérieur même des écoles, avec les enfants directement et dans leur lieu de vie de classe. Une conversation définie de façon très simple « un lieu où l’on peut parler » [1]. Là où il ne s’agissait alors non plus de parler sur les enfants mais avec les enfants selon un principe simple « faire en sorte que les sujets de la conversation, les enfants, deviennent des sujets en conversation ».
Ces conversations directes avec les enfants sont devenues le matériel de recherche des conversations du laboratoire inter-disciplinaire. De la place vide créée, celle du non savoir, offerte comme don de parole surgit que la parole elle-même contient un don. Du singulier se disait, s’entendait, faisait place à la surprise de l’inter-dit. Il était alors permis à chacun de trouver une partie du nom de son symptôme. Apprendre, par la parole, des points de réel en jeu, dans une adresse à l’Autre qui fait invention d’une modalité de réponse inédite. Un savoir inédit prenait place, celui transmis par les enfants.
Les conversations en direct avec les enfants et les travaux des membres du laboratoire étaient publiés dans la brochure Le Pari de la Conversation. Une véritable source de références. À lire l’interview de Michèle Elbaz, nous aurions envie de les nommer pépites. Notre pari dans ce nouveau journal électronique est celui de vous en proposer d’autres pépites à lire, que puisse se partager ce savoir inédit qui émerge à entendre ce que les enfants et les jeunes nous disent quand nous consentons à les écouter ; le fruit des nouveaux laboratoires du CIEN à Bordeaux.
Lisons Ariane Chottin, elle était venue nous parler d’une de ses conversations avec des élèves dans une classe lors de la journée des laboratoires du CIEN à Bordeaux en 2018. Puis Jérôme Péhaud, qui nous parlera de sa conversation avec Ousmane, une rencontre entre deux langues, comme un plus de vie. De vie, il en sera question aussi dans l’éthique de la pratique de la conversation que nous propose Philippe Lacadée. Si « la vraie vie est absente » comme le dit le poète, il y a « la vraie vie des mots » comme l’entend le psychanalyste.
[1] Lacadée Ph., « Présentation du laboratoire », in Le Pari de la Conversation 1999/2000.
Dominique Grimbert
Comments