Une nouvelle page de la vie des laboratoires du CIEN à Bordeaux s’est écrite.
Le Pari de la Conversation, nom pour un journal électronique mensuel, une nouvelle formule au plus près des travaux qui s’y élaborent comme de petits savoirs à additionner, pas sans l’éclairage psychanalytique et l’ouverture vers la cité.
Pendant plus de dix ans, vous avez reçu la lettre Serendipity grâce à Philippe Cousty. L'effraction du réel, de nouveaux laboratoires, une nouvelle dynamique. La création du journal comme réponse.
Le numéro 0 est un numéro spécial numérique. En effet, la crise sanitaire a fait trou. Parce que chacun des professionnels dans sa discipline a été confronté à de nouvelles impasses dans le lien avec les enfants et les adolescents qu’il rencontrait. Parce que les anciennes impasses n’avaient pas pour autant disparu. Parce que les jeunes vivaient des situations d’autant plus inédites, que leur lien social était fragilisé, et qu’ils avaient d’autant moins la possibilité d’être entendus. Quel plus mauvais moment existait-il pour suspendre nos conversations ? L’impossible nous a invité à inventer.
Chacun confronté à son rapport au manque a dû créer, dans sa solitude, une réponse pour ne pas céder au spectre de l’isolement. Le monde numérique s’est alors présenté sous un autre visage. Produit pathogène et addictif du monde moderne, qu’il fallait avoir à l’œil, il est devenu une solution permettant d’offrir ou de recevoir un regard de l’autre, une autre modalité de présence sans la rencontre des corps mais une ouverture favorisant le lien social. Son effet déhumanisant se renversait en effet humanisant, modifiant ainsi le rapport de chacun à ce seul moyen utilisable pour faire exister un un-entre-autres et que vive la conversation.
Les laboratoires du CIEN ont fait le pari du numérique. Aujourd’hui, ce que certains jeunes tentaient de dire concernant l’en-je qu’ils engageaient dans ce monde, s’entend mieux. Le numérique n’est pas l’ennemi public numéro 1 à combattre, ni un symptôme qu’il s’agit de diaboliser et tenter d’éliminer. Philippe Lacadée nous propose de le questionner pour se laisser une chance d’entendre l’usage qui en est fait.
Le Pari de la Conversation s’articule autour de cette proposition. Aller à la rencontre des jeunes, consentir à les écouter pour entendre ce qu’ils bricolent comme solution avec ce monde du numérique qui est aussi le leur. Julien Borde et Gilles Mouillac, illustreront, chacun à leur façon, qu’il y a autant d’usages du numérique que d’enfants et d’adolescents. Le discours universel n’a pas plus de légitimité à ce sujet qu’ailleurs. Le Nom lieu, une association bordelaise, propose un dispositif d’accompagnement en direction de jeunes à la fois en situation de fragilité psychique ou d’exclusion sociale, qui ont un projet ou une appétence particulière en lien avec les pratiques numériques. Laissons-nous enseigner de leurs rencontres avec les jeunes qu’ils accueillent, apprendre de ce nouage qui, pour certains, structure un rapport intime à la vie et participe à les faire exister en tant qu’Un pas sans les autres.
Dominique Grimbert
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