À partir de ces considérations où Lacan assimile la détresse du nouveau-né à une expérience traumatique, il fait du trauma le fondement de l’être humain. Le trauma n’est pas seulement à entendre du côté d’une victimisation, c’est aussi pour chaque sujet y étant confronté, une initiation. C’est là le fondement de ce qui, dans l’analyse, a été exploré, expérimenté, situé comme expérience traumatique.
Je vous propose de partir du trauma chez Michel de Montaigne, que Lacan qualifiait d’être notre guide éternel, pour essayer de montrer comment l’auteur des Essais fit du trauma le point d’appui du trou d’où surgit une fonction lui permettant de trouver le secours de l’écriture pour s’épier lui-même afin de peindre non pas l’être mais le passage. Orientons-nous du trauma de sa fameuse chute de cheval car s’il se crut mort, elle fit pour lui grand bruit et suffit, une fois la faille de l’être entraperçue, à faire valoir comment la fonction du sujet y fut suscitée. Ce moment décisif interpréta le sujet Montaigne et annonça la voie pour faire entendre l’intimité de sa parole comme production du sujet.
Prenons appui sur cette chute qui inspire encore les écrivains du xxie siècle : Pascal Quignard dans Les Désarçonnés [1], Antoine Compagnon dans Un été avec Montaigne [2], et Sarah Bakewell dans Comment vivre ? Une vie de Montaigne [3]. Montaigne nous offre la possibilité d’avancer moins trébuchants vers un bien dire et vivre le réel au xxie siècle chacun avec son trauma, s’inquiétant moins de la mort et sachant mieux y faire avec la disparition et la perte.
Un choc traumatique qui fit effraction
Michel de Montaigne fait part de sa chute comme d’un incident, un choc qui lui a provoqué des affects pénibles. Comme le dit Freud : « Tout incident capable de provoquer des affects pénibles : frayeur, anxiété, honte, peut agir à la façon d’un choc psychologique et c’est évidemment de la sensibilité du sujet considéré […] que dépendent les effets du traumatisme. » [4] Pour Montaigne, cet incident qu’on peut qualifier de traumatique fut précédé d’une série de traumatismes partiels mettant en jeu son rapport à la mort. Ainsi, il a su nous montrer que, pour lui, « ce sont des circonstances d’apparence anodine qui, par leur coïncidence avec l’incident réellement déterminant ou avec une période de particulière excitabilité, ont été élevées à la dignité de traumatismes, dignité qui ne leur appartenait pas, mais qu’elles conservent désormais. » [5] Montaigne est régulièrement revenu sur cet incident pour en faire valoir aussi la surprenante drôle de satisfaction qu’il retira de ce choc [6]. Comme le précise Freud, on verra quelle motion de désir a pu « être satisfaite par ce retour à cet événement pénible. » [7] Je m’aiderai pour cela du Séminaire Le Désir et son interprétation [8] de Jacques Lacan et montrerai ce qui a eu, paradoxalement, un effet réel sur lui, dans ce surgissement, au-delà de la mort de la « brutalité opaque » de la vie [9] ; surgissement dont on peut penser que c’est là, pour lui, ce qui fit trou dans son trauma, d’où la valeur du néologisme troumatisme [10] inventé par Lacan.
L’inquiétude de la mort et son rapport à la philosophie
Dans sa jeunesse, Michel de Montaigne n’était pas très naturel en société, il s’asseyait souvent à part lors de festivités. Plutôt habitué à conter fleurette à des femmes, ou à débattre avec animation d’une nouvelle idée, il se tenait à l’écart en société, davantage préoccupé par tout ce qui concernait la mort. Il était inquiet de ce qui pouvait le séparer de la vie au point qu’à tant craindre la perdre, il n’était plus capable d’y goûter tant qu’il était encore en vie. Il avait fait sienne la formule décisive de Cicéron que « philosopher, c’est apprendre à mourir » [11].
À trente ans, oppressé par la proximité de sa mort, elle devient sa réalité. En 1563, la peste emporta son meilleur ami Étienne de La Boétie. En 1568, son père mourut à la suite de calculs rénaux. « [La] mort du père est toujours ressentie par le sujet comme la disparition de cette sorte de bouclier, de cette interposition, substitution qu’est le père par rapport au maître absolu, c’est-à-dire la mort » comme le dit Lacan [12]. Dès lors, le père ne fut plus là pour le protéger de sa propre mort à lui. En 1569, il perdit son frère cadet Arnaud, d’un insolite accident de sport. Venant de se marier il perdit, en 1570, son premier enfant.
Si la perte la plus douloureuse fut celle de son ami de La Boétie, qu’il aimait, la plus choquante fut celle de son frère. À tout juste vingt-trois ans, au jeu de paume, celui-ci reçut une balle en pleine tête. Le coup n’eut aucun effet immédiat, il mourut pourtant cinq heures plus tard d’une hémorragie interne. Cela n’avait aucun sens et fut très traumatique pour Montaigne.
« Ces exemples si fréquents et si ordinaires nous passant devant les yeux, comment est-il possible qu’on se puisse défaire du pensement (de la pensée) de la mort et qu’à chaque instant il ne nous semble qu’elle nous tienne au collet. » [13]
Plus il imaginait intensément les accidents qui pouvaient s’abattre sur lui et ses amis, moins il trouvait le calme. Il imaginait le monde se refermant autour du trou de la mort où il avait été pris suite à ses différentes rencontres traumatisantes avec la mort de l’autre.
Sur l’exercice de la chute traumatique
La grande rencontre de Montaigne et de la mort survient au cœur de la guerre civile, un jour de fin 1569 ou début 1570. Ce fut lors d’une chute traumatique de cheval, où il tomba lourdement, perdit la conscience, et fut tenu pour mort. Il en fit le récit plus tard. « Ce récit d’un événement si peu important serait assez vain, [si ce] n’était l’enseignement que j’en ai tiré pour moi, car, à la vérité, pour s’apprivoiser à la mort, je trouve qu’il n’y a qu’à s’en approcher. Or, comme le dit Pline, chacun est pour soi-même un très bon sujet d’étude pourvu qu’il ait la capacité de s’épier de près. Ce que je dis si, ce n’est pas ma science, c’est ma recherche (personnelle), et ce n’est pas la leçon d’autrui, c’est la mienne ».[14] C’est donc « ce qui concerne l’instant et le point de passage » [15] que Montaigne va éclairer dans son récit de sa chute de cheval.
Ses pensées vagabondaient à leur guise en se promenant à cheval quand, soudain, un grand poids s’abattit sur lui, par derrière. Il écrit le récit de la chute qui se déroule pendant « notre troisième guerre ». De nature éveillé, un choc brutal et violent l’ayant foudroyé, il se retrouva désarçonné et à terre. « Mort, étendu à la renverse, le visage tout meurtri et tout écorché, […] je n’avais ni mouvement ni conscience, pas plus qu’une souche. C’est le seul évanouissement que j’ai éprouvé jusqu’à cette heure. Ceux qui étaient avec moi, après avoir essayé, par tous les moyens qu'ils purent, de me faire revenir à moi, me tenant pour mort, me prirent dans leurs bras et m’emportèrent avec beaucoup de difficultés dans ma maison qui était éloignée environ d’une demi-lieue française. Sur le chemin, et après avoir été plus de grandes heures tenu pour mort, je commençai à bouger et à respirer, car il était tombé une si grande quantité de sang dans mon estomac que, pour le décharger, la nature eut besoin de ressusciter ses forces. On me dressa sur mes pieds et, dans cette position, je rendis un plein seau de caillots de sang pur, et, plusieurs fois sur le chemin, il me fallut faire de même. » [16] Aucune étincelle ne se produisit jusqu’à ce que tout l’incident lui revînt d’un coup, dans un choc pareil à celui d’un éclair qui frappe – reprise du foudroiement initial. Son retour à la vie fut aussi violent que l’accident : bousculades, impacts, éclairs et coups de tonnerre. La vie reprit possession de lui en force, cependant que la mort avait été chose légère et superficielle. Dorénavant, il essaya d’importer dans la vie un peu de la délicatesse et de l’entrain appris de l’expérience de la mort. Il écrivit dans un essai tardif : « Il y a tant de mauvais pas, que pour le plus sûr, il faut un peu légèrement et superficiellement couler (s’insinuer en) ce monde. » [17] « Il me semblait que ma vie n’était plus retenue qu’au bout des lèvres : je fermais les yeux pour aider, me semblait-il, à la pousser dehors, et prenais plaisir à m’alanguir et à me laisser aller. C’était une idée qui ne faisait que nager superficiellement en mon âme, idée aussi tendre et aussi faible que tout le reste, et à la vérité non seulement exempte de déplaisir mais mêlée de cette douceur que sentent ceux qui se laissent glisser au sommeil. » [18]
Le troumatisme qui empêche la traduction en mots
Michel Eyquem de Montaigne, à partir de cette expérience, va se démarquer de tous ceux qui plaignent les personnes qui sont à l’agonie précédant la mort, les pensant agités de cruelles douleurs ou qu’ils ont l’âme harcelée par des pensées pénibles. Il a toujours été de cet avis que ceux que l’on voit ainsi se débattre « avaient l’âme et le corps ensevelis et endormis » [19]. Il ne pouvait pas croire que l’âme pût garder quelque force au-dedans pour être consciente ; et il pensait « que, pour cette raison, ils n’avaient aucun jugement qui les tourmentât et qui pût leur faire juger et sentir la misère de leur condition, et que, par conséquent, ils n’étaient pas fort à plaindre » [20].
« Le souvenir que j’ai de cela, si fortement gravé dans mon âme, me représentant le visage et l’image de la mort si proches du naturel, m’accorde en quelque manière avec elle. » [21] Mais il précise que « l’état le plus insupportable est d’avoir l’âme vivante et affligée sans aucun moyen de s’exprimer » [22]. Ce fut là pour lui le véritable choc : être maintenu pendant ce temps « dans une situation et un lieu où la personne n’a pas le moindre moyen de s’exprimer et de signifier ses pensées et sa misère » [23].
Montaigne décrit très bien cet événement de corps comme un choc qui lui arrive dans la routine de sa vie. Il y a là, soudain, dans sa vie, comme un éclair foudroyant et il va s’apparaître comme autre à lui-même. C’est ça qui va venir prendre pour lui la place d’un symptôme dont il va réussir à faire par l’écriture son sinthome. « Cette expérience lui donne à réfléchir sur l’identité, sur le rapport du corps et de l’âme, de l’esprit. Inconscient, il semble qu’il ait agi, parlé et même donné l’ordre qu’on s’occupe de sa femme qui, avertie, se dirigeait vers eux. » [24]
Alors surgit pour lui la question essentielle du sujet humain : « Que sommes nous, si notre corps s’agite, si nous parlons, nous ordonnons sans que notre volonté y ait part ? » [25] Montaigne est ici guide éternel [26] de se poser la question d’où est notre moi. Il ouvre ainsi la voie, bien avant Descartes, et en précurseur de Freud, à la notion de sujet et du désir. Le moi venant servir à la place laissée vide pour le sujet, comme le dira Lacan. Il se rend compte alors que la question de l’identité est fort précaire et que l’Autre n’offre pas de garantie sur ce qu’est la vraie existence, ni d’ailleurs l’inexistence. Il témoigne là d’une effraction du vivant comme un réel surgit dans le corps mais aussi bien au-delà de ce qu’il pensait savoir sur le corps vivant.
Ce qu’il rencontre lors de cet événement traumatique c’est une réelle surprise, soit le fait qu’il y a beaucoup de mouvements ou de gestes qui ne partent pas de notre commandement. « Ceux qui tombent lancent ainsi les bras au-devant de leur chute par une impulsion naturelle, impulsion qui fait que nos membres se rendent des services et ont des mouvements indépendants de notre volonté. » [27] Il y a donc une part de notre être qui nous échappe, qui ne peut être dite de nous. Il rencontre ainsi une sorte de fracture de son être, de son moi, voie ouverte vers la division subjective : « j’avais en réalité des pensées vides, nébuleuses, qui étaient déclenchées par les sensations des yeux et des oreilles : elles ne venaient pas de chez moi. » [28] Il ne savait plus qui il était, étant comme dans un trou, ne pouvant ni juger, ni considérer ce qu’on lui demandait ou disait, les pensées se réduisant à « de faibles effets que les sens produisent d’eux-mêmes comme par habitude ; ce que l’âme y apportait, c’était en rêve, touchée bien superficiellement et comme léchée seulement et arrosée par la molle impression des sens » [29]. Il se retrouve dans un monde des sens, mais hors-sens, car sans traduction possible en mots. Il va très bien nous décrire ce moment de frappe, de Prägung lui procurant un moment de perplexité, comme une sorte de trou dans le temps, une sorte d’entonnoir atemporel où soudain c’est le corps qui vient occuper le devant de la scène, il se trouve dans une sorte « de nuit du traumatisme » [30].
« Pendant ce temps mon état était à la vérité très doux et paisible ; je n’éprouvais d’afflictions ni pour les autres, ni pour moi ; c’était une langueur et une extrême faiblesse, sans aucune douleur. » [31] Ce fut un vrai voyage sur le territoire de la mort : il se glissa tout près et effleura de ses lèvres. Il put y goûter, telle une personne goûtant une saveur peu familière. Ce fut un essai de la mort, un exercice, « une exercitation » [32] pour reprendre le mot qu’il employa quand il décrivit cette expérience.
La rencontre de l’Autre qui n’existe pas
Il a pris du temps à passer les sensations en revue dans sa tête, à les reconstruire aussi précisément que possible pour s’en instruire. La fortune lui avait offert l’occasion parfaite d’éprouver le consensus philosophique au sujet de la mort. Mais il lui était difficile d’être sûr d’avoir trouvé la bonne réponse. Les stoïciens auraient certainement regardé ses résultats d’un air soupçonneux.
La leçon était partiellement juste, par son exercitation, il avait appris à ne pas craindre son inexistence. La mort pouvait avoir un visage amical exactement comme le promettaient les philosophes. Montaigne l’avait regardée en face, mais ne l’avait pas dévisagée lucidement comme doit le faire un penseur rationnel. Il s’était laissé flotter dans la mort, avec à peine une pensée consciente, séduit, comme pris dans une drôle de satisfaction.
Quand on meurt, comprit-il, ce n’est pas la mort que l’on rencontre, on est parti avant qu’elle arrive. On meurt comme on s’endort, en dérivant. Que d’autres essaient de vous ramener et vous entendez leurs voix aux bords de l’âme. « Votre existence ne tient qu’à un fil ; elle est au bout de vos lèvres, comme il dit. Mourir n’est pas une action qu’on puisse préparer. C’est une rêverie sans but. » [33] Mais Montaigne avait appris quelque chose de plus surprenant, qu’il pouvait jouir des mêmes sensations délicieuses et flottantes alors même que son corps semblait se convulser, s’agiter dans ce que d’autres prenaient pour des tourments.
Cette découverte de l’effraction du vivant en lui, de cette sensation de jouissance, contredisait pour Montaigne ses modèles classiques, c’est donc à ce hors-sens qu’il décida de prêter attention. En effet, il défiait tous les idéaux de l’Autre de son siècle et, plus particulièrement, l’idéal chrétien qui dominait l’époque. Il n’avait pas rencontré, lors de ce choc traumatique, une humble recommandation de notre âme à Dieu, pas même un Aaah de félicité. Bien au contraire, dans son expérience, la pensée de Dieu, n’eut aucune place, pas plus qu’il ne semble lui être venu à l’idée de mourir en état d’ébriété ou entouré de jeunes femmes. « Ce qui lui paraît évident, c’est le constat qu’il fait, purement séculier, à savoir que la psychologie humaine et la nature en général étaient les meilleures amies du mourant. » [34] Avec la rencontre de ce traumatisme, il fit l’expérience d’un trou dans le savoir de l’Autre, que ce soit celui des philosophes ou celui de Dieu. Aucune réponse ne viendrait de l’Autre mais seulement de sa propre expérience, si le traumatisme fut une surprise, la réponse que, seul, il trouva fut aussi pour lui de l’ordre de la surprise. Il le dit d’ailleurs fort bien, dès lors il décida de s’épier, de se mettre, non plus sous le regard de l’Autre, mais du sien.
La solution du troumatisme ne plus se soucier de la mort
À cette occasion, malgré son empressement à divaguer, Montaigne ne mourut point, il se remit … et dès lors, vécut, différemment. Cet événement traumatique vint modifier radicalement son rapport à la mort. Dès lors, il refuse de continuer à se laisser tracasser. Il décide, « non d’échapper à la mort mais de l’expérimenter » [35].
Il rencontre, là, l’incidence du signifiant sur le corps, dans le sens où il perçoit l’écart entre le corps vivant et le signifiant. Cela va avoir, pour lui, la vertu d’une sorte de réveil par rapport à son endormissement philosophique, une sorte de moment fécond, un franchissement, un acte qui fait qu’il se mettra à vivre de façon différente. De son essai de la mort, il tira une leçon de philosophie fort peu philosophique, qu’il résuma à sa manière désinvolte : « Si vous ne savez pas mourir, ne vous chaille (qu’importe), nature vous en informera sur le champ, pleinement et suffisamment ; elle fera exactement cette besogne pour vous, n’en empêchez votre soin (ne vous en souciez pas). » [36]
Ainsi, lui qui avait été le plus sombre devint le plus insouciant des hommes d’âge mûr, un maître dans l’art de bien vivre. « Ne pas se soucier de la mort » devient sa réponse la plus fondamentale, la plus libératrice à la question du comment vivre. Or la vie est plus difficile que la mort, elle requiert attention et direction. Son expérience traumatique de la mort, lui permit de faire simplement cela : vivre. « Mon métier et mon art c’est vivre. » [37]
Son remède, à ce qui de la mort le traumatisait, fut donc ce voyage au cœur du problème : la spectaculaire rencontre de sa propre mort, suivie d’une longue crise du milieu de la vie qui le conduisit à inventer un nouveau style d’écriture : les Essais. On retrouve là le temps logique décrit par Lacan, l’instant de voir, le moment de comprendre et le temps pour conclure qu’il logera dans l’écriture des Essais. Perdant ainsi une bonne part de sa peur de la mort, il se mit à enquêter sur ce qui se passait en lui. Trois ans après, il écrivait se ressentir encore « de la secousse de cette froissure (de ce choc) » [38]. C’est cette expérience de trauma qui l’amena à essayer une nouvelle espèce d’écriture, soit recréer une séquence de sensations telles qu’éprouvées de l’intérieur, en les suivant d’un instant à l’autre. Il décida d’ailleurs de quitter son poste de magistrat et de se consacrer à la littérature.
La leçon de Montaigne : La brutalité opaque de la vie qui ne peut s’articuler
En fait, Michel Eyquem de Montaigne indique bien à travers cet événement comme c’est la rencontre avec le signifiant mort. Il le dit ainsi : « me représentant le visage et l’image de la mort, si proches du naturel » [39], cette représentation entra d’une façon inédite et décisive pour lui, dans son économie du sujet.
« Mais ceux qui, du fait de quelque violent accident, sont tombés évanouis et qui ont alors perdu complètement conscience, ceux-là ont été, à mon avis, bien près de voir son vrai et naturel visage, car, en ce qui concerne l’instant et le point du passage, il n’y a pas à craindre qu’il comporte quelque peine ou déplaisir parce que nous ne pouvons avoir aucun sentiment sans le loisir [de l’éprouver]. Nos souffrances ont besoin de temps, et celui-ci, dans la mort, est si court et si précipité que, fatalement et nécessairement, elle n’est pas sentie. Ce sont ses approches que nous avons à craindre ; et celles-là peuvent donner lieu à expérience. » [40] Il l’avait vu de bien près.
Avec Lacan, nous dirons que le « fameux traumatisme dont on est parti, la fameuse scène primitive qui entre dans l’économie du sujet et qui joue au cœur et à l’horizon de la découverte de l’inconscient, qu’est-ce que c’est ? – sinon un signifiant tel que j’ai commencé tout à l’heure d’en articuler l’incidence sur la vie. » [41] Montaigne fit lui l’expérience de ce traumatisme que l’être vivant peut être ainsi dès lors saisi, comme vivant, en tant que vivant, mais avec cet écart inouï, cette distance qui est justement celle qui constitue aussi bien l’autonomie du signifiant. On l’a cru mort et il s’est cru ou vu mort. Dans ce choc, ce qui le surprit, au-delà de la mort entraperçue, c’est la vie qui se saisit « dans une horrible aperception d’elle-même, dans son étrangeté totale, dans sa brutalité opaque comme pur signifiant d’une existence intolérable pour la vie elle-même, dès qu’elle s’en écarte pour voir le traumatisme de la scène primitive. C’est ce qui apparaît de la vie à elle-même comme signifiant à l’état pur, et qui ne peut d’aucune façon ni s’articuler ni se résoudre. » [42]
Pascal Quignard s’interroge aussi sur ce qui se rencontre dans le traumatisme, lui accordant une valeur de re-naissance, re-actualisant le traumatisme de naissance. « Tout à coup quelque chose désarçonne l’âme dans le corps. Tout à coup un amour renverse le cours de notre vie. Tout à coup une mort imprévue fait basculer l’ordre du monde et surtout celui du passé car le temps est continûment neuf. Le temps est de plus en plus neuf et afflue sans cesse directement de l’origine. Il faut retraverser la détresse originaire autant de fois qu’on veut revivre. Le trauma de naissance, qui fut la porte de ce monde, est la seule porte à laquelle il faille frapper si l’on souhaite renaître. C’est ainsi que des re-naissances peuvent avoir lieu au cours de la vie, en renversant le cours, métamorphosant l’expérience qu’on avait d’elle, dévoyant le chemin qu’on avait jusque-là emprunté, déroutant le voyage. De naissance en naissance, le commencement s’accumule. L’expérience se fait de plus en plus native. » [43]
Lacan, dans son texte « Le malentendu » [44], montre que s’il y a un traumatisme de naissance, il est plutôt dû au fait que l’homme naît malentendu, car il est un être de parole, un parlêtre. Ainsi, d’entrée, du fait qu’il a un corps réel, soit vivant, il y a un discord, voire un dit-corps entre le monde de l’Autre, soit le monde du signifiant, et le vivant qui agite son être. L’Autre ne pourra pas tout entendre de ce qui s’agite dans le corps de l’être de l’enfant.
Lacan précise ainsi le statut du corps en tant qu’il ne peut s’attraper qu’à partir de là, de ce malentendu. Le corps ne fait son apparition dans le réel que comme malentendu. « votre corps est le fruit d’une lignée dont une bonne part de vos malheurs tient à ce que déjà elle nageait dans le malentendu tant qu’elle pouvait. » [45] C’est ça que vous transmet votre lignée « en vous donnant la vie […] C’est de ça que vous héritez. Et c’est ce qui explique votre malaise dans votre peau » [46]. C’est de cet héritage que le parlêtre va rencontrer le fait qu’il a un corps comme nouage aussi bien du vivant au langage, et c’est là où se met en jeu la pulsion comme écho dans le corps du fait qu’il y a un dire.
Pascal Quignard le dit ainsi : « Chaque fois qu’on frôle la disparition, qu’on est pris de vertige, de léthargie, de défaillance, d’évanouissement, il faut repasser par la situation sans antécédents, par la désorientation princeps au sein de l’espace, par l’imprévisible au cœur du temps, par l’absence de sens au cœur de l’âme. Dès l’instant où il s’agit de renaître, d’être un rené, un re-natus, un renaissant, il faut repasser par la naissance. » [47] Et c’est de cela que Montaigne sut faire leçon en nous témoignant dans son écrit Sur l’exercice [48], du souvenir de quelque chose de « si fortement gravé dans mon âme », lui représentant « le visage et l’image de la mort si proches du naturel », et du fait que « l’état le plus insupportable est d’avoir l’âme vivante et affligée sans aucun moyen de s’exprimer ».
La leçon du traumatisme : Je ne peins pas l’être mais le passage
Montaigne de « ce seul évanouissement » va faire un moment décisif de passage que Lacan a su repérer en parlant d’aphanisis [49].
À travers cette découverte de la glisse et de la dérive, Montaigne perd une bonne part de sa peur et, dans le même temps, il rencontre le sentiment nouveau que la vie, alors qu’elle passait par son corps – sa vie à lui Montaigne – était un sujet d’enquête fort intéressant. Il se décida à écrire les Essais, allait continuer de prêter attention aux sensations et aux expériences, non pas pour ce qu’elles étaient censées être, ou pour les leçons philosophiques qu’elles pouvaient transmettre, mais pour ce qu’il en éprouvait comme sujet. Il allait suivre ce fil. « Je dépeins principalement mes pensées, sujet informe qui ne peut se manifester par des actes. À grand-peine je peux les exprimer par la parole qui n’a que la consistance de l’air […] Je m’expose tout entier. […] Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence. » [50]
Montaigne met en garde ceux qui pensent que parler de soi ne serait que faire part d’une certaine vérité, ne montrer que ce dont on est satisfait avec le risque de se plaire à soi. Ce risque n’existe que chez ceux qui s’explorent superficiellement et qui, ainsi, ne font que démontrer comment ils s’aiment trop. La langue ne peut y avoir qu’une bien légère part dans cet orgueil qui, pour Montaigne, ne réside que dans la seule pensée Il va faire alors l’éloge de Socrate : « Parce que Socrate avait seul mordu sérieusement au précepte de son dieu (qui commandait aux hommes) de se connaître, et que par cette étude, il était arrivé à se mépriser, il fut jugé seul digne du surnom de Sage. Que celui qui se connaitra ainsi se fasse hardiment connaître par sa bouche. » [51]
La leçon du troumatisme : L’aphanisis du sujet
Ce fut le point de départ d’une discipline nouvelle pour lui, une discipline qui prit le pas sur sa routine quotidienne. Ainsi, à travers ses écrits, il trouva une forme d’immortalité, perdant ses repères, mais en trouvant d’autres en s’enseignant de ce traumatisme venu faire trou dans sa routine. Lacan fait de Montaigne notre guide éternel, « en tant qu’il est vraiment celui qui s’est centré non pas autour d’un scepticisme, (mais à partir de ce traumatisme) autour du moment vivant de l’aphanisis du sujet » [52]. C’est en cela que, pour lui, Montaigne est fécond. Lacan précise que le scepticisme n’est pas la mise en doute, successive et énumérable de toutes les opinions, de toutes les voies où a été tenté de se glisser le chemin du savoir. C’est la tenue de cette position subjective – on ne peut rien savoir. Ce n’est pas la voie ouverte par Montaigne qui, lui, choisit la voie où « dans ce point même du vel de l’aliénation, il n’y a qu’une issue – la voie du désir ». [53] Il nous montre qu’il n’y a pas de sujet sans aphanisis du sujet, et que c’est dans cette aliénation, dans cette division fondamentale, que s’institue la dialectique du sujet [54].
Lacan interroge les mécanismes de l’aliénation soit le premier couple de signifiant servant à concevoir comment peut se faire l’apparition du sujet. Le sujet apparaît d’abord dans l’Autre, en tant que le premier signifiant, le signifiant unaire, surgit au champ de l’Autre, et en tant qu’il représente le sujet pour un autre signifiant, lequel autre signifiant a pour effet l’aphanisis du sujet, d’où la division du sujet. Lorsque le sujet apparaît quelque part comme sens, ailleurs il se manifeste comme fading, comme disparition. Il y a donc, si l’on peut dire, affaire de vie et de mort entre le signifiant unaire et le sujet en tant que signifiant binaire, cause de sa disparition.
L’aphanisis du sujet [55], Pascal Quignard le dit à sa façon : « Il ne s’agit en aucune façon de la mort : il s’agit de repasser par l’irruption pour refaire irruption. Il s’agit de l’éruption même. » [56] « Même si Montaigne, à deux reprises, dans la relation extraordinaire qu’il fait de son accident de cheval, parle d’essai de la mort, l’expérience propre à l’humain est beaucoup plus profondément travaillée par le « sans expérience » de la naissance. » [57] Cette « expérience » dont parle Montaigne comme exercitation ne peut pas se répéter même une fois, cette expérience de la mort en tant qu’elle renvoie à la naissance est hors de toute expérimentation. « La vie de chacun n’est pas une tentative d’être. Elle est l’unique essai. Notre naissance est unique, extrêmement fragile et périlleuse, semelfactive, esseulante, esseulée, singulière, infiniment commençante : elle est l’unique expérience. » [58]
En fait, Pascal Quignard précise bien que le récit de Montaigne est le récit d’une expérience. Quignard fait la liste de tous ces traumas qui, entraînant l’effroi puis la panique, mettent surtout en évidence la fonction de l’évanouissement, de la disparition. Mais ce n’est jamais vraiment la mort : on manque l’expérience. Proposant de distinguer l’image manquante de l’origine et l’image manquante de la fin, il fait valoir ce qui vient comme signifiant suppléer dans le réel, à ce trou troumatique de l’origine et de la fin. Quignard parle alors « de l’Urszene, soit la scène primitive » [59].
Ce qui anime le sujet dans le mouvement de son désir, ce qu’il trouve est en fait ce qu’il retrouve de revenir donc « au point initial, qui est celui de son manque comme tel, du manque comme aphanisis » [60]. Votre existence ne tient qu’à un fil, dit Montaigne, et ce fil est celui du signifiant aphanisis du sujet, comme le précise encore Lacan. Ce fut la découverte de la fonction de l’évanouissement, que Lacan va théoriser dans son Séminaire vi, Le Désir et son interprétation, comme l’aphanisis du sujet à partir de la découverte de Jones. Il note que Jones se détourne « de la véritable question, à savoir – que signifie dans la structure du sujet la possibilité de l’aphanisis ? Est-ce qu’elle ne nous oblige pas à une structuration du sujet humain en tant que tel ? – justement en tant que c’est un sujet pour qui l’existence est supposable et supposée au-delà du désir, un sujet qui existe, subsiste, en dehors de ce qui est son désir. » [61] Et « En effet, si le mot aphanisis – disparition ou fading, ai-je dit encore – nous est utilisable dans le fantasme, ce n’est pas en tant qu’aphanisis du désir, c’est en tant que, à la pointe du désir, il y a aphanisis du sujet. Là où Ça parle dans la chaîne inconsciente, le sujet ne peut se situer à sa place, s’articuler comme Je. Il ne peut s’indiquer qu’en tant que disparaissant de sa position de sujet. » [62] Pour Lacan, « il n’y a pas d’autre signe du sujet que le signe de son abolition de sujet. » [63] L’aphanisis apparaît là en éclair « quand tout désir s’est de cette existence évanouie » [64].
La conséquence de sa chute fut, pour Montaigne, « l’élan vital », « ce cher élan vital » dont parle Lacan, « cette charmante incarnation du désir humain dans la nature – c’est bien là le cas de parler d’anthropomorphisme – ce fameux élan avec lequel nous essayons de faire tenir debout cette nature à laquelle nous ne comprenons pas grand-chose, cet élan vital, quand il s’agit de lui le sujet humain le voit devant soi, et il a peur qu’il lui manque.[65] Lacan précise : « La question n’est pas de savoir si l’on doit ou non tenir compte objectivement du désir dans sa forme la plus radicale – le désir de vivre, l’instinct de vie, comme nous disons. » [66] Ainsi, Montaigne, dans son écrit, insiste sur la forme la plus radicale du désir de vivre qui a surgi en lui comme un choc. « Ce que l’analyse nous montre est tout différent, c’est que ce désir de vivre est, comme tel, mis en jeu subjectivement, dans le vécu du sujet. Cela ne veut pas dire que le vécu humain est soutenu par le désir – cela, nous nous en doutons, comme de bien entendu – mais que le sujet humain tient compte de ce désir, qu’il compte avec lui. » [67] C’est ce que Montaigne nous montre. Ainsi, dans son écrit, il témoigne de ce qui s’est mis en jeu subjectivement, dans sa sensibilité de sujet. Et c’est là aussi qu’il est notre guide éternel dans le sens où, précédant Lacan, il a ouvert la voie du sujet, celui qui prend seul sa décision, celle de prendre en compte ce désir et dorénavant de compter avec lui. Montaigne va compter sur ce désir de vivre et en témoigner après sa chute de cheval.
Ainsi voit-il dès lors ce désir devant soi avec la peur qu’il s’évanouisse du fait qu’il ait vécu lui-même, dans ce traumatisme de la chute de cheval, ce choc du réel. C’est la crainte de l’aphanisis, de la disparition du désir, il voit le désir devant soi, et il a peur qu’il lui manque. Son franchissement, son passage est celui-là : il n’a plus peur de la mort mais de la disparition du désir. La douleur de la mort, le sujet Montaigne ne s’y aveugle plus mais la prend sur lui.
Encore une fois, guide éternel de ne plus concevoir le rapport sujet-objet comme immanent à la pure dimension de la connaissance mais plutôt comme en lien au désir. [68]
C’est ce que propose l’expérience freudienne, et Lacan nous précise qu’elle le prouve. Montaigne, lui, nous témoigne, dès 1570, que sa solution à lui va être, grâce à l’écriture des Essais et du style de son écriture, de faire de son désir de vivre son Métier. « Mon métier et mon art, c’est de vivre ». Son style est celui d’écrire sa vie, ce qui de la vie s’agite en lui et se noue au langage, autour de ce qui du langage est venu faire, de façon paradoxale, trou dans le réel. Il y a au xxie siècle, dans le texte de Pascal Quignard, cette façon de se concevoir, et de concevoir son écriture, libre, et en mouvement, comme dans les Essais ; quelque chose de l’énergie du désir qui, dans Les Désarçonnés, témoigne aussi que c’est à chacun de trouver sa réponse, dans son art de vivre, à ce qui est venu faire troumatisme.
Philippe Lacadée
[1] Quignard P., Les Désarçonnés, Grasset, 2012.
[2] Compagnon A., Un été avec Montaigne, Équateurs Parallèles, France Inter, 2013.
[3] Bakewell S., Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse, Albin Michel, 2013.
[4] Freud S., Études sur l’hystérie, PUF, 1956, p. 3.
[5] Ibid.
[6] Montaigne Michel Eyquem de, chapitre vi « De l’exercitation », Essais livre ii, Honoré Champion / Traductions, Paris, 1989.
[7] Freud S., Études sur l’hystérie, op. cit., p. 12.
[8] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, Paris, La Martinière / Le Champ freudien éd., 2013.
[9] Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1998, p. 466.
[10] Inédit : Lacan J., Le Séminaire, livre xxi, « Les non-dupes-errent », leçon du 19 février 1974, inédit.
[11] Montaigne M., chapitre xix, Essais livre i, op.cit.
[12] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, op.cit., p.144.
[13] Bakewell S. fit référence à Montaigne M., Essais livre i, chapitre xix, p. 19.
[14] Montaigne M., chapitre vi, « Sur l’exercice », Essais livre ii, op.cit., p. 51.
[15] Ibid., p. 46.
[16] Ibid., p. 47.
[17] BaKewell S., op.cit., p. 35. Il fait référence à Montaigne M., Essais livre III, chapitre x, p. 207.
[18] Montaigne M., chapitre vi, « Sur l’exercice », op.cit., p. 48.
[19] Ibid., p. 49.
[20] Ibid.
[21] Ibid., p 51
[22] Ibid., p. 49.
[23] Ibid., p. 50.
[24] Compagnon A., Un été avec Montaigne, op. cit., p. 28.
[25] Ibid.
[26] Lacan J, Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 1973, p. 203.
[27] Montaigne M., Essais livre ii, op. cit., p. 50.
[28] Ibid.
[29] Ibid.
[30] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, op. cit., p. 146.
[31] Montaigne M., Essais livre ii, op.cit., p. 50.
[32] Ibid., p. 45.
[33] Bakewell S., Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse, op.cit., p. 33.
[34] Ibid., p. 34.
[35] Montaigne M., Essais livre ii, chapitre vi, op. cit., p. 37.
[36] Bakewell S., Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse, op. cit., p. 35. Il fait référence à Montaigne M., Essais livre iii, chapitre xii, p. 251.
[37] Montaigne M., Essais livre ii, op. cit., p. 52.
[38] Ibid., p. 47.
[39] Ibid., p. 46.
[40] Ibid., p. 48.
[41] Lacan J., Le Séminaire, livre V, Les Formations de l’inconscient, op. cit., p. 466.
[42] Ibid.
[43] Quignard P., Les Désarçonnés, op. cit., p. 49.
[44] Lacan J., « Le malentendu », Aux confins du Séminaire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Navarin éditeur, 2021, pp. 72-77.
[45] Ibid., p. 74.
[46] Ibid., p. 75.
[47] Quignard P., Les Désarçonnés, op. cit., p. 59.
[48] Montaigne M., Essais livre ii, chapitre vi, op. cit., p. 45.
[49] Lacan J., Le Séminaire, livre vi, Le Désir et son interprétation, op. cit., pp. 127-129.
[50] Montaigne M., Essais livre ii, chapitre vi, op, cit., pp. 52-53.
[51] Ibid., p. 53.
[52] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux, op.cit., p. 203.
[53] Ibid.
[54] Ibid., p. 201.
[55] Ibid., p. 199.
[56] Quignard P., Les Désarçonnés, op. cit., p. 60.
[57] Ibid.
[58] Ibid., p. 61.
[59] Ibid.
[60] Lacan J., Le Séminaire, livre XI, Les Quatre Concepts fondamentaux, op.cit., p. 199.
[61] Lacan J., Le Séminaire, livre VI, Le Désir et son interprétation, op. cit., p. 128.
[62] Ibid., p. 501.
[63] Ibid., p. 130.
[64] Ibid., p. 144.
[65] Ibid., p. 128.
[66] Ibid.
[67] Ibid.
[68] Ibid., p. 129.
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