« Nous ne sommes pas au monde. Je vais, là où il faut. Et souvent il s’emporte contre moi… » écrit Arthur Rimbaud [1] ?
Petite théorie sur l’exil
Dans L’Éveil et l’exil [2], j’ai introduit la question de l’exil pour faire valoir que ce qui est en jeu dans l’adolescence va bien au-delà de la citation de Victor Hugo la qualifiant de « la plus délicate des transitions ». En effet, cette adolescence que Rimbaud épinglait d’un « Moi j’appelle ça du printemps » [3], cet éveil du printemps [4] ne va pas sans être accompagné d’une sensation d’exil, d’où ma thèse de situer ce moment logique dit de l’adolescence entre « L’éveil et l’exil ». Le prince de la jeunesse [5] nous ouvrait ainsi le chemin d’une possible lecture de l’errance et du vagabondage, phénomènes importants à son époque, en écrivant « Le pubère où circule le sang de l’exil et d’un père » [6].
Que nous apprend la psychanalyse d’orientation lacanienne ? Il y a tout d’abord l’exil fondamental du sujet, lié au fait qu’il a à se situer comme parlêtre dans le langage, ce qui l’exile de sa simple nature d’être vivant et l’oblige à renoncer à la jouissance primitive du vivant pour se représenter par et dans les mots. Même s’il trouve aussi une certaine jouissance dans les mots, il n’empêche qu’elle s’actualisera dans l’acte de parole toujours sur un fond de perte. Puis il y a l’exil à l’adolescence. Du fait du réel de la puberté, le sujet est exilé de son corps d’enfant et des mots de son enfance, sans pouvoir dire ce qui lui arrive. C’est le troumatisme de la sexualité, en tant que c’est elle qui vient faire trou dans le réel. Cette logique de ce qui fait ainsi trou se rencontre toujours de façon contingente. Il y a, là, la mise en jeu d’un trou dans le savoir l’exilant du savoir de l’Autre qui n’a pas les mots pour dire ce qui du sexe et de la mort reste indicible. C’est là aussi où Rimbaud, faisant entendre la nécessité de « trouver une langue » [7], précise par ses poésies que l ’amour est à réinventer. Le paradoxe auquel s’affronte alors l’adolescent dans sa rencontre avec l’Autre sexe, est l’exil de sa propre jouissance qui, au lieu de faire rapport à l’Autre, l’exile encore plus dans une solitude, qu’il ne peut traduire en mots. Ainsi ce court-circuit de l'Autre peut sembler une véritable position de survie, qui pourtant conduit aussi à un certain exil. Lacan précise, qu’il n’y a pas de meilleur terme que celui d’Exil, pour exprimer le non rapport sexuel [8], c’est-à-dire de la rencontre avec la sexualité qui révèle toujours un trou dans le savoir [9], lieu d’une certaine vérité, celle dont Lacan donnera la formule : il n’y a pas de rapport sexuel. Entre l’homme et la femme, il n’y a en effet pas de rapport instinctuel comme chez les animaux, du fait de la présence du langage.
C’est donc ce moment de rencontre avec la sexualité, lieu de l’indicible qui l’implique au cœur de son être, qui situe bien les « souffrances modernes » [10] de l’adolescent. Modernes dans le sens où il rencontre là quelque chose de nouveau restant à déchiffrer, comme une lettre (l’être) restant en souffrance. L’Autre sexe indique ici ce qui, du sexe, restera toujours Autre, dans le sens où c’est bien là que se joue ce fameux troumatisme. « C’est ce que démontre avec brio l’ouvrage de Philippe Lacadée dont le beau titre délimite déjà l’empan de ce qui s’y traite, entre éveil et exil ». [11] Cet exil a été très bien décrit par Henri Thomas qui en a donné la formule juste en titrant un de ses livres Ai-je une patrie [12]. Il y montre comment le paradis des amours enfantines, vite oublié par l’enfant, hante plus tard le sujet exilé de sa patrie de l’enfance, et lui ouvre, au moment de son adolescence, « sa patrie cachée », soit le langage.
Accueil des mineurs à la surface de leurs mots, là où se cache leurs profondeurs
Pour les mineurs non-accompagnés, cet exil inhérent à l’adolescence prend corps avec un autre exil, forcé. Ils s’engagent dans une traversée au péril de leur vie, un réel sans loi. Pour eux, « L’important serait de repartir à zéro, de découvrir une nouvelle manière de vivre, une autre ambition, un autre rapport avec l’existence – émigrer, et pas seulement extérieurement ». Comme l’écrivait ce grand exilé Stefan Zweig en 1925. [13]
Les MNA que nos partenaires d’autres disciplines rencontrent à même leur errance, parfois dans nos rues, ce dont ils nous témoignent dans le laboratoire S’instruire des a-ccompagnés, sont de façon paradoxale bien accompagnés, de leurs mots, de leurs cultures, de leurs traditions. « Pour rester une famille juive, la famille juive fut obligée de tabler sur les mots. » [14] Ce ne sont pas des mineurs sans histoire, sans origine, réduits seulement à ce qui se donne à voir de leur conduite. Tel fut alors le pari de notre laboratoire, a-prendre de leurs mots et de ce qui se noue où se lie encore sur leurs corps comme traces de mauvaises rencontres. Savoir se faire le partenaire de ce qui pour eux fait insignes dans leurs mots et sur leurs peaux, voire au sein de leurs corps, qui sont autant de signes à déchiffrer. Élever leurs soi-disant troubles du comportement à la dignité de pantomimes à lire. Bref, s’ils sont acteurs de leurs exils, à nous de devenir leurs metteurs en scènes, soit une version plus digne d’être leurs passeurs. On saisit très bien dans leur façon d’être, dans leur manière de construire leurs liens et les relations à l’autre, la marque des événements ayant conduit à leur exil et les péripéties de leur parcours, où se rencontrent souvent le vol et le viol, la prison et la mort. Il ne fait aucun doute que ces épreuves subies les ont pour certains trop tôt éloignés voire séparés de l’enfance et que leur expérience de l’exil a été vécue sous le poids de la trahison du politique ou du poids parfois terrible de la famille. Se séparer de l’enfance, même s’il disait ne pas en avoir eu, c’est aussi bien ce qui motiva le départ, voire l’exil, de Rimbaud vers l’Afrique. « J’ai dû marcher pour distraire les enchantements assemblés sur mon cerveau » [15], ce que le poète nomme enchantements se dirait plus de nos jours comme ce qui « m’embrouille la tête », ce dont d’ailleurs il donnait l’indication en parlant pour lui d’Une saison en enfer. Nous proposons ainsi d’être là, assis en leur compagnie, pour entendre de leurs récits ce qui fait pour nous école de leurs expériences. Nous le verrons plus loin grâce à la rencontre avec le livre Penser entre les langues.
Sans racines on devient une ombre.
« J’espère que vous vous établirez définitivement en Angleterre. Avec tous leurs défauts nos vieux pays démocratiques sont notre terre nourricière. Nous ne pouvons nous en passer. Je ne vous vois pas installé au Brésil. Il est trop tard, dans votre vie pour y prendre ses racines profondes. Et sans racines on devient une ombre. » [16] écrit Romain Rolland le 24 juin 1938 à Stefan Zweig. Pressentant l’Anschluss de 1938, et se sentant contraint de quitter sa terre et sa langue natales, Zweig fait le choix forcé de l’exil vers Londres. Il pensait que la langue du national-socialisme opèrerait de tels bouleversements que le premier effet en serait la xénophobie en tant que haine de l’étranger puis la destruction des écrits des juifs allemands.
Il évoque le désordre que cela provoque en lui. « … l’émigration fait que l’on perd quelque chose de sa verticalité, quand on ne sent pas sa propre terre sous ses pieds, on perd sa sûreté, on devient plus méfiant à l’égard de soi-même. […] sans racines, on devient une ombre. » La part d’ombre de l’objet tombe sur son moi ne pouvant faire le deuil de la perte des racines de sa langue. « … je n’allais plus être que l’ombre de moi-même. » [17] Il éprouve dans sa chair le fait que « Quelque chose de mon identité naturelle et de mon moi primitif et essentiel demeura à jamais détruit » [18]. Sa bile noire, soit sa mélancolie, le renvoie à une telle douleur d’exister qu’il a le sentiment de n’avoir plus aucune place dans le monde qui l’entoure. Pour lui, c’est la langue nazie, langue barbare très bien décrite par Victor Klemperer [19], qui est venue dérober à la langue allemande sa poésie et sa culture, là où il aimait tant loger son âme. Très peu de temps après son arrivée au Brésil, qui entre en guerre contre les nazis, il ne peut plus parler allemand. Il serait alors vécu comme un alien enemy et réalise radicalement en son être, le sans racine on devient une ombre. Dès lors, le Brésil n’est plus cette Terre d’avenir [20], où il pensait trouver le repos et la sérénité qu’il était venu y chercher, après son départ forcé de l’Angleterre, après que son passeport lui eut été retiré, pour poursuivre son œuvre d’écrivain. Là aussi, n’étant plus à l’abri de la langue nazie, il s’éprouva soudain comme un objet abandonné, venant actualiser ce retour de jouissance qu’est la Chose, cette bile noire installée au cœur de son être. Au lieu de faire rapport à l’Autre de la langue allemande, Zweig se trouva exilé dans sa solitude et ne put plus la dire à l’Autre. Il n’y a pas de meilleur terme que celui d’exil pour exprimer ce qui de la jouissance [21] vient faire trou dans sa langue, dit Jacques Lacan. Son amour pour sa langue, l’allemand, qu’il considérait comme sa seule patrie spirituelle, ne laissa pas à Zweig d’autre choix que de s’effacer radicalement de ce monde lorsqu’il ne put plus parler ni écrire dans cette langue, maternelle, selon Friderike sa première femme. Elle précise qu’il était attaché à sa langue originelle, celle de lalangue, celle de la jouissance jouant de sa sonorité poétique « à l’instar d’un grand violoniste, par exemple, qui se sent perdu sans son Guarneri ou son Stradivarius » [22]. Au Brésil en février 1942, réalisant qu’il ne pouvait plus vivre dans « ce monde » qui n’était plus le sien, il fit le choix de l’exil radical.
L’exil, c’est laisser son corps derrière soi.
Atiq Rahimi [23] est un écrivain afghan. Il dit avoir beaucoup parlé de sa terre natale mais jamais de son exil. « Dès que je me prête à le décrire, je me retrouve devant cette feuille qui se refuse à accueillir mes mots. J’ai l’impression que l’exil est une voie sans retour qui ne peut s’écrire. Une fois jeté dedans, on ne sait plus s’en sortir. On devient un être errant. À jamais ! Ou tel un enfant qui doit un jour abandonner le corps de sa mère. » Ovide disait « L’exil, c’est laisser son corps derrière soi ». Pour Atiq, l’exil se vit « comme une expérience originelle, séparation de l’enfant d’avec le corps de la mère, et perte de mes premiers identifiants charnels qui se révèle et me révèle dans la seule voie qui me reste celle de la création. Mais sans cette séparation, je pourrirais dans ma demeure maternelle. Pour devenir un être, un corps, une identité, je dois donc tout quitter. » C’est sa façon à lui, ayant vécu l’exil, d’avoir rencontré qu’il y a tout d’abord l’exil fondamental du sujet lié au fait qu’il a à se situer comme parlêtre dans le langage qui, de fait, devient sa seule patrie, ce qui l’exile de sa simple nature d’être vivant et l’oblige à renoncer à la jouissance primitive du vivant pour se représenter dans les mots.
Son pays ayant sombré dans la terreur de la guerre, dans l’obscurantisme, il a perdu là-bas les clefs de la langue racine de ses songes, de sa liberté, de son identité. « Aussi l’ai-je quitté en espérant retrouver mes clefs dans une autre langue là où il y a de la lumière, de la liberté, de la dignité... tout en sachant que je ne les retrouverai jamais ». Toute création en exil est la recherche permanente de la clef perdue de cette langue mythique permettant de récupérer cette jouissance du vivant radicalement perdue. Ses romans et ses films ne sont rien d’autre que la création de cette clef imaginaire lui ouvrant la voie pour accéder aux libres champs de la créativité et de l’écriture. Une voie qui relie son corps errant avec sa terre perdue. C’est pour lui une clef identitaire. « Une identité de tissage de différents arts et de métissage de différentes cultures, de différentes langues... Je ne sais plus séparer de l’exil ni mon identité ni ma création. » Que l’on choisisse ou non cet exil, que l’on parte à la recherche de la terre promise ou à la recherche du paradis perdu, nous vivons tous cette expérience de perte originelle. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’exil est au fondement de toutes les religions et des grandes épopées. » C’est pour lui le mouvement originel, l’exil est au cœur de toutes les grandes épopées. « C’est intrinsèque à l’être humain, que l’on soit religieux ou non. On naît exilé, quoi qu’on fasse. J’ai l’impression qu’on est jeté sur cette terre. »
L’exilé intérieur
Akira Mizubayashi est un écrivain japonais. Il vit et travaille à Tokyo. Au moment de son adolescence, il s’est choisi comme nomination l’Exilé intérieur. Il a fait le choix d’apprendre une langue étrangère, la langue française dans laquelle il écrit notamment : Une langue venue d’ailleurs [24]. Lycéen, il portait en lui un malaise linguistique, un boulet d’étouffement liés à l’usure du discours japonais perçu comme tel. Le moment d’éveil de sa puberté fut difficilement éprouvé dans son corps, lié aussi à certains fonctionnements particuliers de sa langue. Ce moment d’une étrangeté intérieure intraduisible, ne pouvant se nouer à sa langue japonaise, ressenti comme maux de langue, le poussa à l’exil de sa langue. « Les maux de langue », qui l’ont saisi jeune, un sentiment de vide et de désincarnation des mots qu’il entendait, l’ont amené à étudier le français puis à l’enseigner. Apprendre Une langue venue d’ailleurs lui permettant de vivre de l’intérieur la réalité de la langue française, c’est ce qui lui permit de se nommer « l’exilé intérieur ». Pour lui, la langue japonaise circulait comme la monnaie sale, répugnante corrompant tout rapport humain, d’où une période de mutisme volontaire qu’il a traversée pendant son adolescence. Du fait du réel de la puberté, nous retrouvons ici le sujet exilé de son corps d’enfant et des mots de son enfance, sans pouvoir dire ce qui lui arrive. Il ne peut plus s’articuler à la langue de l’Autre. C’est l’exil de sa propre jouissance, propre à tout adolescent, qui, au lieu de faire rapport à l’Autre, l’exile encore plus dans une solitude qu’il ne peut traduire en mots. Le désir du français a été, dès le départ, celui de se défaire des liens façonnés et imposés par sa langue de naissance, ce fut un désir de renaissance. « Je suis né à dix-huit ans. C’est un désir de fuite, d’éloignement, de décentrement, de distanciation, ce désir de sortir de la langue d’origine. » écrit-il dans Petit éloge de l’errance [25]. « Le français me permet de sortir de ma prison, du fascisme de ma langue maternelle japonaise de se défaire des liens façonnés et imposés limitant singulièrement mon monde. S’approprier une langue étrangère permet de vivre son corps dans l’apesanteur de l’entre-deux ». « J’ose qualifier le français de langue paternelle », car c’est de son père qu’il a reçu « le désir de décentrement qui est à l’origine de mon investissement passionné dans l’apprentissage du français. » Son père a su déplacer, en son temps si difficile, les frontières de son monde, du fait de la folie totalitaire du régime politique des années 1940. Il dira son opposition, sa résistance par le biais d’une langue étrangère, le russe, comme moyens de résistance au réel.
Écrire en français a permis à Akira Mizubayashi de traduire l’étranger en nous en un sentiment « d’étrangéité ». C’est par le biais de ce mot étrangéité « que je me suis accordé par rapport au monde d’où je viens, j’arrive à mieux saisir les formes de vie qui sont imposées à quiconque qui ne peut faire autrement que d’être un sujet parlant dans la langue japonaise. » L’écriture est un acte d’exil, un lieu d’émancipation. Il dit volontiers, depuis le début de son entrée en littérature française, « J’habite le français. » En fait il dira mener une double vie d’être parlant. « J’ai décidé de mettre en suspens l’écriture en japonais pour refaire mes liens avec le monde. Mais pour autant l’usage privé de la langue japonaise n’est pas abandonné, bien entendu. »
La pratique d’écriture en français sous toutes ses formes vient se loger dans l’écart qui se creuse entre la forme de vie – inséparable de l’usage du japonais – qu’il n’a pas choisie et le rêve d’un monde qu’il peut édifier à son gré par et dans le français. Il ne peut pas quitter le japonais. Il ne peut pas se défaire des racines de lalangue. « Cette langue m’habite, me traverse, me colle à la peau. Je ne peux pas l’oublier, l’effacer. Je ne peux pas la faire taire. Elle parle en moi à mon insu. C’est cela, la langue de naissance, la langue qu’on n’a pas apprise. Mais il me semble que l’usage du français, en particulier la construction d’un univers romanesque par le français me permet justement de mettre en sommeil ma langue d’origine. »
Vivre entre les langues
Ces trois écrivains nous parlent de l’exil en témoignant que, du fait d’avoir un corps, le passage d’une langue à l’autre mobilise la jouissance des racines prises dans lalangue si singulière à chacun. Lacan reprend l’impossible d’enseigner freudien en disant que « L’enseignement existe ». Dire que l’enseignement existe est dire qu’il se rencontre, comme témoigne l’ouvrage de Heinz Wismann, Penser entre les langues [26], plus particulièrement en son épilogue, qui propose dans cet impossible même, une voie dans l’expérience de la rencontre.
Il s’agit d’un livre exceptionnel, rare, une autobiographie intellectuelle, écrite par un véritable penseur qui pense en racontant comment sa pensée a pris, au cours de cinq ou six décennies, la forme qui est la sienne. Heinz Wismann est l’un des meilleurs hellénistes, spécialiste notamment des penseurs présocratiques, et l’un des meilleurs connaisseurs de l’herméneutique allemande des XIXe et XXe siècles. Il écrit en français. Entre la France et l’Allemagne, pour quelqu’un né en 1935, n’est pas une situation anodine. Entre ces deux langues, il y a aussi le grec et le latin. Un tel entre les langues est le fruit d’un hasard dont il donne une description extraordinaire dans le premier chapitre, « vagabondages autobiographiques » [27], dans lequel il raconte comment il a fui Berlin devant l’Armée rouge, avec sa mère et sa petite sœur. Il fournit un tableau émouvant, tant par sa discrétion que par son ironie amusée. L’image du petit Heinz traversant le dernier pont ouvert de la zone, que les Russes allaient occuper quelques heures plus tard, deux manteaux enfilés l’un sur l’autre sur ses culottes courtes, un cartable contenant une livre de petits pois séchés et sa mythologie grecque, est inoubliable. Cette mythologie grecque qui sera revivifiée par sa rencontre avec celui qui est pour lui un grand et véritable maître, Jean Bollack et qui va étayer sa position très spécifique qui consiste à se situer entre les langues.
S’installer dans un lieu à soi entre les langues
Vivre entre les langues, c’est essayer de réfléchir aux effets que suscite le fait de poser une question philosophique dans une langue plutôt que dans une autre. C’est s’installer dans un lieu, autrement dit dans la différence, pour essayer de penser ce qui s’offre à la pensée. « L’éducation offre une chance extraordinaire à ceux qui sont des “personnes déplacées”, celle de tirer profit de la distance qui s’instaure à l’intérieur d’eux-mêmes. Il ne s’agit plus de ressembler à soi sur un mode patrimonial, comme si l’on était effectivement ce que l’on est censé être, mais sur un mode dynamique. » Séjourner ou penser entre les langues signifie, pour lui, confronter sa langue maternelle à quelque chose qui la déstabilise au point de produire des effets inédits, comme ceux que le grec ancien produit sur l’allemand de Hölderlin et qui lui font, pour ainsi dire, inventer une langue dans sa propre langue. Heinz Wismann ne redoute rien tant que l’avènement d’une langue universelle qui annulerait ce qu’il y a de plus productif dans l’histoire humaine. Loin de rêver d’une langue unique et d’un retour à un avant Babel, il appelle au contraire de ses vœux une prolifération des différentes langues, à condition que celle-ci, précise-t-il, « ne nous prive pas de notre relation à l’humanité tout entière, qui suppose que l’on entende ce qui se dit dans ces différentes langues ».
L’idée selon laquelle il n’y a de pensée authentique que dans le mouvement et la confrontation entre les traditions et les cultures va bien au-delà de la seule question de la diversité des langues. Que l’on en juge à la lecture du chapitre consacré aux tensions qui traversent la pensée grecque, d’Homère à Hésiode et à Pindare, des présocratiques à Platon, à celle des belles pages consacrées à la musique, à la peinture, au théâtre ou encore à l’enseignement, lui-même conçu comme un « théâtre où se joue le drame de la connaissance ». Dans l’épilogue de son livre « Théâtre et éducation », cet enseignant-chercheur précise que « la coïncidence de la publication de La Naissance de la tragédie [de F. Nietzsche] et de ses conférences Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement (1872) doit donner à réfléchir. » Il y a là un croisement. Marc de Launay, dans la nouvelle édition qu’il dirige des œuvres de Nietzsche, parle, lui, de « chiasme » [28]. Dans l’avant-propos de Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement, Nietzsche écrit : « Le lecteur dont j’attends quelque chose doit avoir trois qualités : il doit être calme et lire sans hâte. Il ne doit pas toujours s’interposer lui et sa culture. Il ne doit pas enfin attendre pour finir un tableau de résultats ! Je ne promets pas de tableaux, de nombreux horaires pour les lycées et les établissements techniques, j’admire plutôt (là, dressez l’oreille !) la nature surpuissante de ceux qui sont capables de parcourir toute la voie des profondeurs de l’expérience, jusqu’au sommet des vrais problèmes de la culture et inversement de ses sommets jusqu’aux bas-fonds des règlements les plus secs et des tableaux les plus élégants. […]». [29]
Le concept d’expérience
Au cœur de cette réflexion, se trouve un concept omniprésent dans le livre de Wismann, celui d’« expérience ». Ce concept se soucie de l’authenticité de l’expérience et pose le problème de savoir à quel titre on s’autorise à s’attribuer l’expérience que l’on fait. Nous ne serons pas rassurés à cet égard par les autres ni surtout par les autorités qui nous notent. Il incarne au mieux celui qui « se trouve associé à la recherche que l’on poursuit soi-même », celle menée dans son séminaire de Lille, où il se pose la question jusqu’où peut-on jouer avec l’institution, contre elle ? [30] Ainsi réaménager l’institution met en question la police des examens [31].
« C’est en nous-mêmes, dans un rapport réflexif à soi que l’expérience doit trouver sa vérité. Or cette expérience est caractérisée par une polarisation du savoir et du non-savoir. La volonté de vérité fige les certitudes objectivées, et la volonté de puissance (volonté de la volonté), elle, vise la poursuite et l’accroissement de la dynamique vitale. »
Cette polarisation se trouve exprimée dans La Naissance de la tragédie. La tragédie grecque est le moment où l’expérience se traduit en scène. Heinz Wismann est précis : « La langue de l’être, c’est le grec. » [32] « La tension que Nietzsche décèle au cœur même de la vie est pensée comme volonté de la volonté et volonté de la vérité entrant en conflit. » Cette tension entre une « temporisation » du réel et une « spatialisation » du réel, on l’a vu, se vit en classe et à l’école. Heinz Wismann précise que l’expérience dramatique de la connaissance passe par cette tension qui renvoie à un moment inévitable de spatialisation et à un moment tout aussi nécessaire et inéluctable, selon Nietzsche, de « retemporalisation », de restriction du flux, d’incertitude, de diversité des perceptions, quelque chose qu’il nomme tout simplement « vie ». L’idée qui poursuit depuis longtemps Wismann est que, cette vie, le théâtre grec l’a trouvée dans un geste libérateur des jeux de langage, comme nouvel univers possible dans la langue. [33] Il y retrouve le clinamen, c’est-à-dire « l’écart minimum qui appartient à la réflexion, une déflexion qui est en fait une réflexion. Et la volupté n’est pas dans l’accomplissement des actes que la volonté brute nous impose ; elle réside dans un petit écart réflexif par rapport à cette nécessité d’accomplir les actes dictés. La vraie jouissance, ce n’est pas d’obéir à des impératifs physiques mais de s’en écarter un peu, de savoir ce que l’on fait d’une certaine manière. » [34] Le clinamen, tel que le décrit Lucrèce [35], est tout ce que l’humanité peut espérer pour qu’il y ait quelque chose d’autre, encore faut-il que la voix vivante de Lucrèce soit entendue et non éteinte par un problème de traduction. [36]
L’école est un théâtre et l’importance de la confrontation d’un récit
La thèse proposée dans l’épilogue ouvre une piste intéressante : l’école, lorsqu’elle est réellement à la hauteur de son idée, est un théâtre. Ce qui constitue la scène des activités pédagogiques est la tension entre le moment de la fixité du vrai et le moment du mouvement vers cette vérité établie, qui suppose qu’on s’en dépossède, parce qu’on va au-delà – élèves reconnus et tirés vers le pas en avant que leur offre le professeur proposant des problèmes qui les dépasse.
Le professeur ne devrait-il pas à la fois être le metteur en scène mais aussi le comédien ? Ne pourrait-il pas associer ses élèves à la production de la pièce ? « Quelle vacuité d’envisager un enseignement qui déroule devant les yeux d’un public médusé, pétrifié, toute la richesse des connaissances déjà acquises ! Nietzsche dirait que c’est « mortifère ». Le perfectionnement des manuels, qui correspond à une mise en espace de plus en plus sophistiquée, élimine progressivement, pour l’élève entrant dans la navigation qui le conduit de connaissance en connaissance, la dynamique même de l’expérience qu’est l’apprentissage, puisqu’on a affaire à une distribution de points fixes comme sur l’écran d’un ordinateur. » H. Wismann explique que, dans sa jeunesse, il était confronté à du récit. Ce n’était pas l’image des pyramides qui incitait à rêver de l’ancienne Égypte, mais plutôt le récit qui en était fait, soit une succession d’évocations qui conduisait alors à imaginer les pyramides. « Élaboration de la représentation, dans ces deux acceptions, la représentation des choses (volonté de vérité), la représentation théâtrale, mise en scène de la tension entre le moment de la connaissance figée et du mouvement qui y conduit et le dépasse. » L’enseignement se doit d’être conçu comme une mise en scène avec tous les éléments d’une théâtralisation du processus, introduire le théâtre dans un tel contexte ne saurait consister à faire du théâtre un nouvel objet de vérité. Comme nous l’avons proposé dans Une école de l’expérience [37], le théâtre à l’école peut entrer en résonance avec cette scène théâtrale qu’est l’enseignement lui-même, l’enseignement partagé avec les élèves.
Une expérience partagée ou le partage d’expériences
C’est par ce biais que se provoque « la fluidité du non-savoir ; la fluidité du désir de savoir, de ce que Platon appelait éros ». Cette expérience partagée peut prendre la forme de petites mises en scène qu’on fait ensemble. Proposer, un jour, à ses élèves, une petite mise en scène qui n’est pas une chose ajoutée mais une pratique qui correspond à « l’essence même du geste éducatif ». Cette notion d’« expérience », Nietzsche la met, comme on l’a compris, au centre de son avant-propos. La question culturellement délicate à laquelle nous éveille H. Wismann, dans sa conclusion, est de savoir quelle place est réservée à l’expérience authentique dans ce que l’on vit quand on apprend dans le système scolaire tel que l’Éducation nationale l’a mis en place. Les critères qui légitiment l’acquisition des connaissances, et attestent les succès, correspondent pour l’essentiel à ce que Nietzsche appelle « la volonté de vérité », questionnée précisément par beaucoup d’enseignants. L’essence d’un tel théâtre du mouvement serait initialement un désir, un appétit d’apprendre qui aurait pour fil conducteur le temps plutôt que l’espace. C’est ce temps qui doit être d’abord conquis et ce, même au niveau de la façon de parler ; prendre le temps de rencontrer les mots de l’Autre pour ensuite traduire son être dans une sorte de déploiement de l’espace. On part d’une impulsion, qui est la vie même du désir, pour suivre sa pente temporelle qui vient alors occuper progressivement l’espace. Il faut créer les lieux permettant la mise, en temps et en espace, d’un mouvement du désir qui n’aboutit pas, plus important à montrer peut-être que les mouvements qui aboutissent. Ne pas tout sacrifier à l’obligation de l’efficacité des résultats.
La vraie vie à l’école ne se définit pas par ce que l’on y réalise au niveau d’un examen, c’est plutôt la vie que l’on y mène réellement, vie tout à fait provisoire, utilisant les élans successifs conduisant la voie de l’apprentissage, parfois plus important que le but.
Pour mettre l’accent sur le surgissement initial de l’élan qui va vers un but sans qu’il puisse être atteint, pour faire voir cette source d’énergie qui est le désir naissant, il faut un travail très particulier sur l’élève. En général, l’élève est orienté dans son travail par l’efficacité de son geste qui doit atteindre son but. Quand il traverse la classe, il doit aller vers quelque chose ; quand il prend la parole, il faut qu’elle soit efficace. Or on demande à l’élève de ne pas oublier qu’il doit aller impérativement vers le passage en classe supérieure, sans lui apprendre à se concentrer sur le point de départ, car on est plus sûrement fixé sur le point d’arrivée.
Le parallèle avec l’acteur que propose. H. Wismann est, là, intéressant ; à l’acteur on demande de se concentrer « sur ce qui s’amorce en lui et qui, très souvent, n’est pas du tout relié à une économie de l’efficacité. Et, paradoxalement, l’effet sur les spectateurs est d’autant plus fort qu’on dit ici dans un souffle, une expiration, ce qu’un comédien dirait de toutes ses forces sur une scène « normale ». Seul le comédien est capable de nous restituer cette inversion de la logique de nos vies de tous les jours. Cette logique est celle de la lutte pour la vie, donc l’optimisation de nos forces : il faut obtenir avec le minimum d’efforts le maximum d’effets ; cela détruit nos vies.
Faire valoir l’élan initial
Nous sommes dans une logique d’efficacité qui fait que ce qu’il y a de plus précieux, l’élan initial, est perdu au profit de ce que nous obtenons. Or le théâtre met au centre de sa propre passion l’élan naissant, le désir originaire, et fait en sorte qu’il ne soit pas absorbé par la logique de l’efficacité. Au contraire, on est constamment renvoyé à ce qu’il y a de plus fort en nous, à savoir cette faiblesse initiale, ce moment où rien n’est vraiment décidé. Les répliques qui commencent dans un souffle faible peuvent prendre soudain de la force et de la densité, tel un tamtam. L’acteur est ici notre alter ego, il nous montre, par sa technique, sa respiration, ses gestes, ses mimiques, ce qui est refoulé et recouvert chez nous ; il est seul capable de nous le faire voir, car il ne s’agit pas de théorie, mais d’une chose qu’il faut faire surgir dans le temps réel d’une représentation.
Là encore, le but disparaît ; ce qui réapparaît, « c’est le désir polymorphe – ce que Freud appelait « le désir de l’enfant », qui est polymorphe et qui n’a pas encore trouvé le moyen de s’éteindre dans la satisfaction. C’est un désir constamment relancé, constamment fouetté, qui ne disparaît pas mais qui, comme dans un barrage où s’accumule l’eau de montagne, monte, monte, parce qu’il n’y a aucun moyen de le faire aboutir sur un objet précis – un homme ou une femme. Tout le travail de cette troupe consiste à entretenir ce trouble, à faire en sorte que l’on soit dans l’ambivalence absolue. »
Pour revenir au point de départ, c’est un travail sur les commencements, sur ce qui s’amorce et ce qui s’élance ; il ne reste pas d’emblée dans les limites d’un projet parfaitement arrêté. Comme le disent les metteurs en scène, ils travaillent à partir de cette matière qui est le surgissement, chez le comédien, des virtualités qui sont autant de manifestations du désir, qu’il s’agit ensuite de modeler quand il y a plusieurs comédiens, pour créer entre eux cette espèce de résonance qui va conduire à la spatialisation.
De s’inspirer des acteurs du théâtre, on peut faire valoir combien l’acteur joue de ses déplacements, use de son élan de vie. Ainsi lorsque le comédien marche, oublie-t-il souvent où il va. Il doit l’oublier car l’important n’est pas où il va, mais l’élan qui le fait aller. Cela attire l’attention sur cette espèce de pulsation de la vie qui est le désir même, et qu’un professeur peut faire vivre dans sa classe. Il doit être l’initiateur de la mise en scène continuelle du désir, et le désir n’est pas dans les lieux, il est dans le temps.
Ne rien céder sur son désir de transmission
Pour cela, celui qui est en position d'enseigner ne doit rien céder sur son désir de transmettre les savoirs, jusqu'à inventer, souvent au cas par cas, la stratégie la plus efficace pour extraire le sujet de l'impasse de son solipsisme. On peut tenter de dégager, à partir de ce livre, quelques voies possibles dans l’impossible d’éduquer pour que l’école accueille au mieux les élèves. La question du temps, prendre le temps de parler et de Penser entre les langues surtout lorsque, pour certains, un certain usage de la langue dérègle leurs esprits. Savoir accompagner le travail scolaire afin de rendre vivante la présence du professeur, en s’asseyant en compagnie ou en faisant le pas en avant, en sachant attendre l’élève, en se montrant exigeant tout en lui faisant confiance. Lacan précise : « Or l’enseignement existe » [38], tout en précisant qu’il faut, dans l’enseignement, « dépasser les capacités mentales de l’enfant par des problèmes les dépassant légèrement ». [39] S’offrir comme point d’appui à partir de ce qui pour lui fait symptôme. Les savoirs scolaires ne devraient plus être conçus comme des savoirs morts, obstacles à la vraie vie de l’esprit, mais vécus comme une participation à ce que les hommes ont élaboré de plus élevé pour les libérer et les réunir.
Philippe Lacadée
[1] Rimbaud A., Une saison en enfer, Délires I Vierge folle « L’époux infernal », in Œuvre-vie, Édition du centenaire établie par Alain Borer, Arlea, 1991, p. 422.
[2] Lacadée Ph., L’Éveil et l’exil, Paris, Cécile Defaut ,2O17.
[3] Rimbaud A., op. cit., p. 73.
[4] Wedekind F., L’Éveil du printemps, Paris, Gallimard, 1974.
[5] Perrot M., Revue de l’adolescence, n° 23, Paris, Bayard ,1994, p. 22.
[6] Rimbaud A., op. cit., p. 281.
[7] Rimbaud A., op. cit., p. 190.
[8] Lacan J., Le Séminaire, Livre xxiii, Le Sinthome, 1975-1976, Paris, Seuil, 2005, p. 70.
[9] Lacan J., in « Préface à L’Éveil du printemps », Autres Écrits, Seuil, 2002, p. 561.
[10] Rimbaud A., in « Une saison en enfer », op. cit., p. 440.
[11] Roy D., « présentation du livre L’éveil et l’exil », La petite Girafe, « Droit de cité du symptôme, Psychanalyse en prise directe sur le social », Octobre 2007, p. 118.
[12] Thomas H., Ai-je une patrie, Paris, Gallimard, 1991.
[13] Lacadée Ph., Zweig avec Freud, L’ombre devant soi, Éditions Michèle, 2O22, à paraître en septembre 2022.
[14] Oz A., Oz-Salzberger F., Juifs par les mots, Paris, Gallimard, 2004, p. 42.
[15] Rimbaud A., op. cit., p. 251.
[16] Zweig S., Correspondance, 32-42 – T03, Grasset, 2008.
[17] Zweig S., Le Monde d’hier, Les belles lettres, 2013, p. 406.
[18] Zweig S., op, cit., p. 427.
[19] Klemperer V., LTI, 1975, La langue du IIIe Reich, Paris, Pocket, 1996.
[20] Zweig S., Le Brésil Terre d’avenir, Brasilien. Ein Land der Zukunft, 1941, Éditions de L’Aube, Le livre de Poche ,1992.
[21] Lacan J., Le Séminaire, livre xxiii, Le Sinthome [1975-1976], texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, coll. Champ freudien, 2005, p. 70.
[22] Zweig F. et S., L’Amour inquiet, Correspondance 1912-1942, Bibliothèques 10-18, 1987, p .443.
[23] Rahimi A., Syngué sabour. Pierre de patience, P.O.L., 2008. Prix Goncourt 2008.
[24] Mizubayashi A., Une langue venue d’ailleurs, Paris, Gallimard, coll. « L’un et l’autre », 2011.
[25] Mizubayashi A., Petit éloge de l’errance, Paris, Gallimard, Folio, 2014.
[26] Wismann H., Penser entre les langues, Albin Michel, Bibliothèque Idées, 2012.
[27] Ibid, pp 13-45.
[28] Nietzsche F., Œuvres philosophiques, tome I, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2000.
[29] Ibid., p. 195.
[30] Ibid., p. 136.
[31] Ibid., p. 137.
[32] Ibid., p. 143.
[33] Ibid., p. 264.
[34] Ibid., p. 125.
[35] Cf le passage où il commente deux vers de Lucrèce dans le livre II (257-258). Lucrèce dit qu’il est extraordinaire qu’un être humain jouisse d’une si grande liberté (libertas) alors qu’il est enchaîné dans la voluptas. Pour Wismann la question est de savoir comment peut-on parler d’une libre volupté, et pas d’une libre volonté ? Dans la logique de l’œuvre d’Épicure, c’est la volonté qui est enchaînée par le mécanisme atomique, absolument commandée par lui. Ce passage montre comment des problèmes de traduction souvent liés à une idéologie ont enfermé la vraie voix et vie de l’auteur Lucrèce.
[36] Ibid, p. 265.
[37] Une école de l’expérience que nous avons créée avec Jospeh Rossetto, Catherine Henri, Céline Baliki et Philippe Toyon. http://www.uneecoledelexperience.fr/.
[38] Lacan J., Le Séminaire, livre x, L’Angoisse, 1962-1964, texte établi par J.-A. Miller, Seuil, 2004, p. 298.
[39] Ibid., p. 299.
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