top of page

Argument #3 - Julien Borde

Dans l'éducation, le désir d'accompagner des jeunes en situation de souffrance n'est pas toujours au rendez-vous. Il peut se tarir, s'émousser, voire disparaître. C’est qu’il n’est point aisé de travailler avec des jeunes qui campent parfois sur une position de refus absolument radicale. Refus de soin, refus d’accompagnement, refus de se laisser docilement enseigner, éduquer, former par celles et ceux dont l’intitulé du métier les présente comme spécialistes de l’éducation et du savoir.


La Journée des laboratoires du CIEN à Bordeaux sera l’occasion d’écouter et d’entendre des professionnels témoigner de situations qui les dépassent, de moments éprouvants, de relations qui mettent à mal leur désir d’accompagnants, de soignants, d’enseignants. Nous verrons comment l’usage de la conversation leur permet de s'enseigner des sujets auxquels ils ont à faire, afin de leur permettre de traiter ce qui leur arrive. En opérant un déplacement du savoir du côté de l’enfant, les travaux présentés nous donnerons l'opportunité de saisir par où chaque intervenant peut se faire partenaire du sujet pour le soutenir dans son travail d'élaboration.


Nous verrons comment la fonction d’educere – soit conduire hors de –, nécessite de se faire passeurs en inventant inlassablement des lieux nouveaux où l’accueil d’un impossible puisse être rendu possible.

Accueillir le terrible, le singulier et l’insupportable constitue un préalable pour se mettre ensuite à la tâche d’a-ccueillir le symptôme et saisir, à l’invitation de Lacan, « comment le transfert sauvage, on peut le domestiquer, comment on fait entrer l'éléphant sauvage dans l'enclos, comment on met le cheval au rond, pour le faire tourner dans le manège. » [1]


Dès lors, plus qu’un lieu, il y a là un lien qui se noue, à partir duquel l’enfant terrible peut faire usage de l’atelier - et de celui qui l’anime - pour traiter ce quelque chose qui le préoccupe et le rend si terrible. De l’a-ccueil à la cueillette de l’objet a, quelque chose d’une limitation de la jouissance s’opère : d’être fixée en un lieu, localisée, l’objet peut s’y déposer.


Ainsi, quand ce qui était compliqué, opaque, hors-sens fait place à quelque chose qui s'articule de manière logique, une certaine joie dans le travail peut s’éprouver. L’enfant terrible s'éclaire alors d'un jour nouveau à la faveur d’indices qui dessinent sa propre solution sinthomatique en tant que réponse au réel auquel il a à faire. À l’école du sujet, au plus près de ses dires et de ses gestes, l’éducateur, le professeur, le psychologue, peut trouver à s’orienter d’un savoir « déjà là », à la condition de se mettre à la tâche de ne pas comprendre trop vite et de résister à la tentation de vouloir le bien du sujet.

S’aménager une place de partenaire, calculée à partir du repérage du travail – toujours singulier – du sujet, tend à habiliter chacun, à donner une réponse qui pourra prendre la valeur d’un acte. Une joie dans le travail jaillit de cette habilitation à répondre qui a des retentissements à la fois dans le transfert et dans l’institution.



Julien Borde




[1] Lacan J., Le Séminaire, livre x, L’Angoisse, Le Seuil, 2004, p. 148.






Comments


Commenting has been turned off.
bottom of page